Une des plus anciennes images persistantes d’une Menorah telle qu’on l’imagine dans le Temple, me vient du bas-relief de l’Arche de Titus qu’on peut encore admirer lorsqu’on visite le Colisée.

Cette Menorah, symbole de la destruction du Temple et de son pillage par les romains, représente le triomphe d’un peuple sur un autre, des romains sur nous juifs en 70 de notre ère. La guerre des Juifs de Flavius Josephe a duré 8 ans et le bas-relief date lui de 81, par le frère de Titus, Domitien, qui souhaitait ainsi commémorer ses victoires après sa mort.

La Ménorah est le plus ancien symbole du judaïsme. Elle remonte à près de 3000 ans et a gagné ses lettres de noblesse qui durent jusqu’à nos jours. L’état d’Israël a choisi ce symbole et spécifiquement la Ménorah qui figure sur le bas-relief de l’arche de Titus, comme son emblème officiel depuis février 1949.

Et pourtant, le premier grand rabbin d’Israël, rabbin Yitzhak Halévi Herzog s’y était fortement opposé ! Il mettait en avant que la base de la Ménorah était ornée de dragons et autres animaux mythologiques, créatures idolâtres s’il en était et de plus la Ménorah originale était composée d’un trépied et non d’un socle hexagonal ! Cela voulait dire que celle figurant sur le bas-relief avait été fabriquée ou reconstruite en partie par des païens romains probablement…[1]

Le gouvernement de l’époque a passé outre cette opposition et a établi la Ménorah à 7 branches, entourée de deux branches d’olivier, comme emblème figurant sur tous les documents officiels de l’état. L’ajout des deux branches d’olivier étant issus de la vision de Zacharie.[2]

La première description de la fabrication de la Menorah destinée au tabernacle figure dans la paracha Terouma. Faite de 30 kilos d’or pur, ornée de décorations en forme d’amandier, et composée de 6 branches latérales et d’une centrale. Tout est symbole dans cette Ménorah : pour les uns, cela représente les 6 jours de la Création couronnés par le 7ème– le shabbat. Pour les autres, la lumière de la sagesse humaine attachée à l’Eternel qui en forme le centre, ainsi le talmud dans le traité Bava Batra nous dit [3]:

Rabbi Yitzḥak dit : Celui qui souhaite devenir sage doit faire face au sud, et celui qui souhaite devenir riche doit faire face au nord. Et votre moyen mnémotechnique pour cela est que dans le Temple, la Table, qui symbolisait la bénédiction et l’abondance, était au nord, et le Candélabre, qui symbolisait la lumière de la sagesse, était au sud du Sanctuaire. Et Rabbi Yehoshua ben Levi dit : Il faut toujours être tourné vers le sud, car lorsqu’on devient sage, on devient ensuite riche, comme il est dit à propos de la Torah : « La longueur des jours est dans sa main droite ; dans sa main gauche, la richesse et l’honneur » (Proverbes 3:16).

Chaque branche de lumière représente une source de sagesse humaine : en commençant par la simple compréhension – binah , jusqu’à la connaissance de la Torah.

Choisir cet emblème pour notre peuple et pour son état est une responsabilité, on doit s’en montrer digne ! Objet mobile, cette Menorah comme la Torah, est transportable partout où le peuple juif se déplace, et depuis 1956 une reproduction de 4 m de haut réalisée par un artiste anglais Benno Elkan trône devant la Knesset, cadeau du gouvernement anglais pour les 8 ans de l’état. Installée sur le sol où elle doit briller de tous ses feux, elle symbolise un retournement du destin funeste représenté par le bas-relief romain.

La Ménorah du tabernacle, puis du Temple a été réalisée en un seul bloc d’or. Un seul bloc censé nous unir, reliés par nos diversités, faisant du peuple juif une source unique de lumière pour les nations, ainsi que l’exprime Isaïe.[4]

Cet idéal semble décliner, d’une lumière gardons-nous de devenir une ombre…

Le rabbin Michael Marmur professeur de philosophie et théologie au Hebrew Union Collège à Jérusalem a récemment fait une conférence pour ses collègues rabbins européens, où il se penchait sur le terme de Hoguenet, qui peut se traduire par décence, ou comportement civil. Hoguenet est une sorte de voie du milieu, qui permet de lier ensemble des groupes humains aux intérêts et croyances différentes voire divergents. A la manière de deux bateaux ancrés, reliés ensemble en pleine mer, dans un milieu fluide, ils restent accrochés, meouganim à un oguen (ancre). Hoguen – et Oguen vous entendez la proximité auditive de ces deux mots. L’image de ces deux bateaux vient d’un midrash attribué au rabbi Shimon Bar Yohaï.[5]

Hoguenet, ce comportement décent a une racine commune avec hagana : la protection. A défaut d’être parvenu à être une lumière pour les nations, une des missions d’Israël et de son gouvernement est, à minima, de protéger les valeurs démocratiques de l’état, et les minorités qui vivent en son sein, en maintenant un système juridique pouvant protéger tous les citoyens. Israël a également la responsabilité de protéger la sécurité des juifs qui vivent en dehors du pays, en diaspora. La « Bible » de l’état, d’Israël reste la Déclaration d’indépendance de ses fondateurs qui stipule à l’article 6 :

6.a) L’État s’efforcera d’assurer la sécurité des fils du peuple juif et de ses citoyens qui sont en difficulté [et en captivité] en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté.

b) L’État agit au sein de la diaspora pour renforcer l’harmonie entre l’État et les membres du peuple juif. 

Ken Yhié Ratzon, Chabbat shalom !


[1] https://mizrachi.org/hamizrachi/the-Menorah-as-the-symbol-of-the-jewish-state/

[2] « Que vois-tu? Je répondis: Je regarde, et voici, il y a un chandelier tout d’or, surmonté d’un vase et portant sept lampes, avec sept conduits pour les lampes qui sont au sommet du chandelier; 3et il y a près de lui deux oliviers, l’un à la droite du vase, et l’autre à sa gauche

[3] Bava Batra 25b

[4] Isaïe 42:6 Je te garderai et je t’établirai pour que tu sois l’alliance du peuple, la lumière des nations,

[5] Sifrei Deutéronome Vezot Habrakha Piska 1