Les jours redoutables dans lesquels nous nous trouvons, le deviennent d’autant plus qu’ils sont emplis de mauvaises nouvelles. Un véritable chaos se déroule sous nos yeux, enfin les yeux qui veulent bien regarder la réalité qui se passe à l’extrême Est du continent européen. Loin de se calmer, la guerre a pris une tournure bien plus dramatique depuis quelques semaines, pourtant la résistance ukrainienne nous a donné quelque espoir. C’était avant la récente décision du dictateur russe de mobiliser 300 000 soldats pour aller au bout de son projet de destruction massive.

L’auteur et traducteur d’origine russe André Markowicz cite ce vers de Pouchkine dans son court pamphlet ‘et si l’Ukraine sauvait la Russie’:

Ainsi, le marteau pesant, Fracassant le verre, forge l’acier.[1]

Le verre fait référence dans la culture russe, à la fragilité de ce qui est créé par l’homme symbole de son humanité même. En Russie, l’humanité a continuellement été soumise aux massacres, à la violence de tous les régimes autoritaires qui se sont succédé et lui ont imposé un véritable martyre.

L’escalade de la guerre semble inéluctable, on y assiste impuissants d’autant plus qu’on connait le jusqu’auboutisme de son dirigeant encore soutenu par une poignée d’oligarques et militaires. A quelques jours de son 70ème anniversaire, Poutine tient son pays d’une main de fer depuis plus de vingt ans, et n’apporte que calvaire et désolation à son peuple, à l’Ukraine, et, en cercles concentriques au monde entier.

On semble embarqué malgré nous, pour une guerre totale, une guerre terrible, si personne ne met fin de l’intérieur cette surenchère…

Dans le discours de Moise que nous lisons cette semaine, on parle aussi de guerre. Il revient sur un épisode répété à plusieurs reprises, comme une mise en garde,, celui de la bataille livrée jusqu’à bout et sans merci à l’encontre des rois Amoréens Og et Sihon.

Et l’Eternel les traitera comme il a traité Sihon et Og qu’il a détruits.[2]

Mais qu’ont-ils fait et pourquoi font-ils autant peur à Moise ? Ces deux rois décrits comme frères, Og et Sihon, n’ont pas laissé passer les hébreux par leur territoire et ont attaqué leur ennemi commun : les hébreux.  Og et Sihon décrits par les rabbins comme deux géants descendants des nephilim, sortes de demi dieux qui s’accouplaient avec les humains et produisaient des êtres monstrueux. Dieu lui-même doit intervenir pour les détruire, car ils font obstacle au peuple hébreu sur la route vers la terre promise et au-delà à tout le projet éthique de la Torah. Ils sont comme une montagne dressée face aux hébreux.

Ainsi on peut lire dans le traité Berakhot[3], le récit suivant :

« En ce qui concerne le rocher qu’Og, roi de Bashan, a voulu jeter sur Israël, il n’y a pas de référence biblique, mais une tradition a été transmise. ». Il a dit : Quelle est la taille du camp d’Israël ? Trois parasanges (1500 mètres). Je vais aller déraciner une montagne de la taille de trois parasanges, la jeter sur eux et les tuer. Il alla déraciner une montagne de la taille de trois parasanges et la porta sur sa tête. Et le Saint, Béni soit-Il, fit tomber sur elle (la montagne) des sauterelles qui percèrent le sommet de la montagne et elle tomba sur le cou d’Og. Og voulut l’enlever de sa tête ; ses dents étaient étendues d’un côté et de l’autre de sa tête et il ne put l’enlever. »

Dans un autre midrash, Og est décrit comme un géant qui cache le soleil et Moise se trouve dans le noir, de quoi être totalement paralysé par la peur…l’Eternel intervient pour le secourir et lui redonner force et courage.

Il y a des guerres inévitables, qu’il faut mener jusqu’au bout, en mettant notre confiance dans l’Eternel Tzebaot, le Dieu des armées, et en étant convaincu de la justesse de sa cause. Il s’agit d’une guerre de civilisations, une guerre lancée par ces Og et Sihon modernes, qu’on subit, une guerre contre notre civilisation et nos valeurs de liberté et de fraternité, de justice aussi.

Les files de voitures qui s’accumulent aux frontières depuis plusieurs jours, portent à leur bord des hommes qui ne veulent pas devenir les soldats d’une guerre qui n’est pas la leur, qu’ils savent injuste et mortifère, ils se retrouvent embarqués contre leur gré du mauvais coté de la frontière. Ils sont des héros malgré eux, d’un scénario catastrophique, et ont besoin de notre soutien !

Le verre brisé de Pouchkine, nous l’espérons, ne forgera pas l’acier. Notre humanité doit être préservée.

Au seuil de leur entrée en terre de Canaan, alors que les hébreux ont déjà vaincu Og et Sihon,  à trois reprises est répétée cette fameuse expression, fondement de la résilience juive : Hazak v’ematz , sois fort et courageux ! Car ce qui attend les hébreux après l’entrée en terre promise n’est pas une partie de plaisir non plus, d’autres guerres devront être menées, et ils ont besoin de ces encouragements répétés.

Un peu comme chacun de nous, alors que nous entamons l’année 5783, nous nous sentons comme des enfants dans un désert attendant d’être abreuvés de courage et réconfort, car l’année qui vient nous mettra au défi, c’est un euphémisme de le dire. Nous avons besoin individuellement et collectivement de ce hizouk, cette consolidation pour nous sentir plus forts, pour ne pas perdre pied et sombrer dans le désespoir.

La force de se tenir debout, d’écouter et être entendu, et le courage d’être patient, de persévérer, d’avoir confiance, d’espérer, et surtout surtout de le faire tous ensemble.

Hizkou v’imtzou !

Chabbat shalom v’gmar hatima tova !


[1] Markowicz, André. Et si l’Ukraine libérait la Russie ? (French Edition) (p. 12). Seuil. Édition du Kindle.

[2] Deutéronome 31:4

[3] TB Berakhot 54a