Ce chabbat compte à plusieurs titres : il compte car c’est le shabbat où on se souvient du premier recensement et du paiement du demi-shekel par tête d’homme de plus de 20 ans. Il compte car nous sommes le 8 mars – Journée internationale des droits de femmes, et il compte car cela fait 5 mois et 1 jours que plus de 1200 israéliens : enfants, femmes et hommes ont été torturés et massacrés et 130 supplémentaires, morts ou vifs, restent captifs du Hamas.

A ce jour 9 enfants sont détenus à Gaza, combien d’entre eux sont encore vivants ? Seul Dieu le sait …Sur les 19 femmes otages, 5 ont été assassinées le 7 octobre mais les terroristes avaient emporté leurs corps ; on attend leurs dépouilles pour pouvoir leur offrir un dernier hommage et leur rendre leur dignité. Nous avons énuméré leurs noms tout à l’heure.

Et bien sûr, on n’oublie pas la centaine d’hommes, en grande majorité civils, également en captivité depuis 154 jours.

Face à ces horreurs, on a ressenti le besoin urgent d’agir, et de nombreux collectifs ont vu le jour, tous mobilisés pour alerter le public et pour que ces hommes, femmes et enfants otages ne tombent pas dans l’oubli. La plupart de ces collectifs ont la particularité d’avoir été initiés par des femmes juives. Je vais en énumérer quelques-uns car leur nombre, en France notamment est significatif et témoigne de ce moment particulier que nous vivons : Nous vivrons, Collectif 7 octobre, Bring them light, Guerrières pour la Paix.

La majorité de ces collectifs différents ont vu le jour pour défendre une même cause. Pourquoi pour la plupart d’entre eux ce sont des femmes qui sont à la tête de ces collectifs ? Est-ce l’empathie qui a été le premier moteur de ces mobilisations ? Est-ce d’avoir réalisé que ces actes barbares ont frappé en priorité des femmes ? Qu’il constitue, comme l’a qualifié l’association ‘Paroles de Femmes’ et sa présidente Sarah Cattan dès le mois de novembre ‘un féminicide masse’  ? Cela semblait évident…

Et pourtant il a fallu attendre 5 longs mois et un rapport de l’Onu paru ce lundi pour que cette organisation mondiale, censée défendre à égalité les droits humains de tous, dise dans un rapport très documenté : « il existe de bonnes raisons de croire que des violences sexuelles liées au conflit se sont produites en plusieurs endroits de la périphérie de Gaza, y compris sous la forme de viols et de viols en réunion, au cours des attaques du 7 octobre 2023 ».[1] et la je cite Libération qui a mis en Une le 6 mars dernier le titre « Le viol comme arme de guerre ».

La lutte féministe en France et dans le monde s’est morcelée autour de ce sujet, en particulier autour de la date du 25 novembre dernier, qui marque tous les ans la Journée Internationale de Lutte Contre les Violences faites aux Femmes. Les femmes Juives ont été laissées de côté, elles n’ont pas été invitées à la marche organisée à Paris et dans plusieurs villes de France. Les collectifs Osons le féminisme et Noustoutes n’ont pas voulu dénoncer ensemble les viols du Hamas. D’autres, comme la féministe Mona Chollet ont écrit dans Libération dès le 8 octobre « Vous êtes au courant qu’il y a des centaines de tués côté palestinien @Libé, des familles entières massacrées ? » quel aveuglement, quelle lutte sélective sous prétexte de convergence de lutte contre la violence coloniale et impérialiste (sic) ?

Tout cela a naturellement abouti à des manifestations séparées et du coté des féministes Juives à des panneaux sur lesquels on pouvait lire ‘#metoo sauf si vous êtes Juive’ ! tristesse et solitude…

En cette journée de Lutte pour les droits des femmes, il est important de le rappeler à nouveau : la lutte pour les droits des Femmes suppose – à minima – une véritable convergence des luttes pour la liberté et l’égalité de TOUTES les femmes. Toutes les femmes comptent et non pas certaines plus que d’autres. Celles qui souffrent sous le joug d’un patriarcat réactionnaire, de l’imposition de la charia, de mauvais traitements, d’homophobie et qui sont depuis 5 mois en première ligne de ce conflit, je veux parler des femmes gazaouies qui doivent être soutenues comme les femmes juives victimes de féminicide et de viol.

Depuis une semaine nous sommes consternés : les images de fourmis filmées par un drone de l’armée israélienne montrant des gazaouis se battant pour quelques grammes de nourriture est insoutenable. Les morts qui s’en sont suivies sont de la responsabilité de l’armée israélienne. Il est irresponsable de continuer à laisser mourir de faim des femmes et des enfants de l’autre coté de la frontière, quelle que soit l’objectif militaire poursuivi, personne au monde ne pourra le pardonner et nous ne pourrons pas nous le pardonner en tant que peuple Juif. Comme le dit l’adage talmudique « Kol Israël arevim zé bazé. » « Tout Israël est responsable l’un de l’autre ».

Pour que ces morts civiles, en majorité de femmes et d’enfants cessent, pour que ces femmes gazaouies et leurs enfants puissent continuer à vivre et ne pas survivre, il faut à présent relâcher les otages et les laisser rentrer à la maison, il faut que cette guerre cesse, que le Hamas soit démantelé avec l’aide de la communauté internationale. Les crimes commis par le Hamas et tous ceux qui le soutiennent méritent d’être punis par une Cour de Justice Internationale.

Chaque vie compte oui, chaque enfant, chaque femme et chaque homme compte, la vie est un cadeau que l’on a reçu et personne n’a le droit de piétiner une vie, ni d’estimer qu’elle n’est pas digne d’être vécue. L’empathie ne peut pas être sélective, nous le savons plus que tout autre peuple, alors mettons toute cette énergie de la compassion pour sauver des vies, toutes les vies. Comptons les uns sur les autres pour converger dans une lutte pour le respect de la dignité humaine, le droit à la liberté, à la sécurité et aussi à l’autodétermination.

Nos prières vont vers la multiplication sans limites des initiatives pour la paix, afin que cette terre puisse contenir deux peuples et qu’ils vivent côte à côte dans des frontières clairement définies, en paix et en sécurité. Comme le dit dans un livre récent destiné aux enfants Yuval Noah Harari, l’injustice et la guerre ont pour origine non pas une lutte pour un territoire ou pour de la nourriture mais un narratif exclusif de l’autre, auquel chaque partie s’accroche obstinément et tant que chacun s’arcboute sur son narratif, en fermant les écoutilles à celui de l’autre, auquel on dénie sa place, l’injustice et la guerre perdureront indéfiniment.

Ken yhié ratzon!

Chabbat shalom,


[1] https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/crimes-sexuels-du-7-octobre-en-israel-lonu-documente-lhorreur-20240305_BG6RY7OMGRCS5KPYVU5WB23JOY/