« Ki tetze la milhama al oyvekha » « quand tu partiras pour faire la guerre sur/contre tes ennemis». Ainsi commence la paracha de cette semaine.

Les versets qui suivent nous parlent de ce qu’il convient de faire lorsqu’un combattant prend une femme comme otage de  guerre pour l’épouser.  Cette histoire est connue sous le nom de Eshet Ifat Toar la femme de belle allure pour laquelle le soldat a un désir irrepressible (חשק).

« Si tu vois dans cette prise de guerre, une femme de belle figure qu’elle t’attire et que tu veuilles la prendre pour épouse, tu l’amèneras d’abord dans ta maison, elle se rasera la tête et se coupera les ongles, se dépouillera de son vêtement de captive, demeurera dans ta maison et pleurera son père et sa mère un mois entier. Alors seulement tu pourras la posséder et elle sera ton épouse ». (Deut. 21 :10-14)…C’est un curieux descriptif qui vous l’imaginez a suscité beaucoup de commentaires et de questions.

La paracha Ki Tetze, est aussi celle qui contient le plus grand nombre de commandements. Ceux, assez dérangeants, concernant la femme captive ne sont qu’une petite partie d’entre eux. Nous y reviendrons.

Il n’y a pas moins de 72 commandements positifs ou négatifs dans ki tetze.

Un midrash qui apparait dans Devarim Rabbah 6,3 compare les mitsvot à « un chapelet de grâce autour de la tête » (Proverbes 1 :9). Le midrash explique que pour chaque acte banal de la vie quotidienne le fait de le relier à un commandement positif comme l’obligation de construire un parapet sur le toit (Deut 22 :8) ou négatif comme l’interdiction de faire labourer un bœuf et un âne ensemble (Deut 22 :10 ) ont une raison d’être (au dela de leur aspect éthique evident dasn ces 2 cas). Celle d’accompagner chaque acte de notre vie d’actes pieux » nous dit le midrash ce qui «élève nos actes quotidiens au niveau du service divin ».

Mais comment nous relier à ces mitsvot lorsqu’elles sont dérangeantes et sont injustes ? En tant qu’êtres essentiellement rationnels, nous cherchons à trouver du sens et une logique dans leur contenu et la manière dont ces lois s’appliquent ou non aujourd’hui.

Dans la paracha Ki Tetze sont juxtaposés des commandements éthiques : comme celui de ne pas labourer la totalité de son champ pour laisser de quoi s’alimenter à des personnes dans le besoin. Comme des plus injustes ; comme celui de la femme captive ou encore le commandement qui concerne le fils rebelle, décrit comme oisif, buveur, non observant et irrespectueux. Les parents doivent le devant le tribunal des Anciens de la ville et le faire lapider !

Et les Sages de commenter que ce commandement n’a jamais été applique car les deux parents devaient être d’accord et comme on sait, c’est rarement le cas n’est-ce pas ?

Certains autres commandements se contredisent : comme celui concernant la responsabilité des faits et gestes des fils vis-à-vis des pères « les pères ne doivent pas être mis à mort pour leurs enfants, et les enfants pour leurs pères, chaque homme sera mis à mort pour ses propres iniquités. » (Deut 24 :16) or dans les 10 Cdts le commandement dit exactement l’inverse, (Exodus 20 :5)[1].

Alors que fait on de ces mitsvot que nous sommes censés observer ?

Le Rabbin contemporain Nathan Cardozo nous dit que la halakha, qui a été élaborée plusieurs siècles après la Torah, notamment dans la mishna et le talmud, est comme la Torah, construite selon la théorie du chaos.

Les chercheurs ont analysé les méthodes pour aboutir à des décisions halakhiques. Ils se sont rendus compte que malgré quelques règles herméneutiques de base, qui figurent systématiquement dans le talmud, il n’y a pas de cohérence globale et les décisions sont largement influencées par la personnalité et la vision du monde des décisionnaires, c’est-à-dire des autorités rabbiniques de l’époque….

C’est un constat assez perturbant.

Mais les découvertes de ces chercheurs en littérature rabbinique nous donnent de l’espoir celui de pouvoir mettre fin à un certain
statu quo actuel voire pire, la dérive vers un judaïsme rigoriste et ritualiste plutôt que préoccupé d’éthique.

Cette théorie du chaos est la preuve que rien n’est gravé dans le marbre, contrairement à ce que certains rabbins prétendent haut et fort. Cela ouvre la possibilité aux décisionnaires (poskim) les plus progressistes de faire évoluer la halakha en tenant compte des connaissances actuelles et des valeurs universellement partagées. Pour cela, ils doivent être animés par une seule motivation ; que ces décisions soient prise beshem shamaïm au nom du ciel et non pour satisfaire les particularismes d’un groupe.

Enfin, avoir la sagesse de respecter la position de son contradicteur, et encore mieux, de les citer, comme c’était le cas pour l’école de Hillel  préférée par les Sages à l’école de Shammaï pour son respect envers ses contradicteurs. Car « elu veelu divrei elohim hayyim » (BT Eruvin 13b) « celles-là et celles là sont les paroles du Dieu vivant » comme nous dit le talmud.

Mais revenons à une interprétation moderne de la femme captive, dont je vous ai parlé au début de ce drash. Le rabbin Alan Lew qui a écrit un livre sur la préparation spirituelle aux fêtes de Tichri, pense que cette histoire est une métaphore et a une fonction précise : celle de nous faire réfléchir à la manière dont nous gérons nos pulsions et nos désirs qu’ils soient sexuels, matériels ou de statut social.

Les Israélites ont passé du temps à faire la guerre et à se battre contre des ennemis extérieurs. D’autres chapitres du Tanakh nous parlent de batailles de leadership, l’une des plus fameuses étant celle de Korach, qui voulait renverser le pouvoir de Moise et d’Aaron.

Pour ma part, ce soir, je souhaitais me concentrer sur nos ennemis intérieurs…car souvent ce sont ceux-là qui sont les plus difficiles à vaincre… Ces luttes contre nos démons sont épuisantes…Alors que faire pour retrouver un peu de paix et d’harmonie intérieure ?

Prendre conscience de ses ambitions dévorantes, de ses pulsions ou de la tyrannie de ses désirs parfois toxiques, situés dans un ‘angle mort’ de notre esprit est aussi un travail tout à fait recommandé en ce mois d’Ellul. Ce travail précieux aura des bénéficies démultipliés sur notre famille, amis et entourage ! Voila une interprétation qui nous permet de nous relier à notre tradition et réfléchir à notre nature humaine, qui a peu varié en 2000 ans !

 

Ken yhie ratzon

Shabbat shalom.

 

 

[1] Car moi votre Dieu, je suis un Dieu jaloux qui se souvient des pêchés des pères sur les fils jusqu’à la 3e et la 4e génération,.