Cette semaine, j’ai été hapée par une très belle émission d’Arte «
Histoires d’Israel », comme souvent quand il s’agit de quelque chose à propos
d’Israël. L’émission était dédiée aux grands écrivains israéliens, tous ceux, qui
enchantent notre imagination, nous font réfléchir et nous donnent tant de
plaisir à les lire. Et je rappelle aujourd’hui le souvenir béni de ces géants
récemment disparus : Amos Oz et Aharon Appelfeld z’’l
Ils parlaient simplement de leur vie, en particulier de leur
enfance dans ce pays si complexe. Pour chacun, le tournant a été l’été 1967 et la
guerre éclair dite des 6 jours. Cette guerre vécue comme une bénédiction est
devenue rapidement une malédiction, ayant obligé le peuple hébreu à garder sous
contrôle militaire une population palestinienne depuis plus de 50 ans.
C’est l’interview de Zurya Shalev qui m’a le plus touchée, elle
qui avait 8 ans à l’époque et dont la mère s’inquiétait de sa santé mentale. Zurya
passait son temps à écrire de magnifiques poèmes qui ne parlaient que de mort
et de guerre. Cette mort et cette souffrance qu’elle côtoyait par voisins et
amis interposés, ceux qui avaient perdu un fils, un frère ou un père à la
guerre. Imagine t on comment se développe le psychisme d’une enfant qui a connu
tant de guerres ? Pour qui la vie
ne peut être vécue qu’enchevêtrée à la mort, et qui, des années plus tard, a du
se reconstruire physiquement et psychiquement traumatisée après avoir survécu à
un attentat ?
Israël est le pays au monde qui a connu la plus grande période de
guerre, une guerre civile qui concerne des habitants qui ont tous deux une
légitimité à vivre sur son territoire…une population qui a en partage le
désespoir d’innombrables plans de paix, successivement avortés.
Le dernier en date n’a rien d’un plan de paix, puisqu’il déclare
unilatéralement et définitivement l’annexion d’un territoire, sans discussions,
ni négociations. Ceux qui restent de marbre face à cette souffrance répètent à
l’envi que cette situation résulte d’un manque d’interlocuteurs fiables et
sérieux pour faire la paix. Bien sûr on ne peut nier cette réalité aussi.
Cependant, même si on a étudié superficiellement l’histoire moderne, on sait ce
que produit une paix unilatérale qui dégrade un ennemi. C’est du déjà vu, Rappelons-nous
ce qui s’est passé au début du siècle dernier.
Micah Goodman, philosophe israélien a parlé dans son livre Catch
67 de la dualité inconciliable qui a pris au piège les deux parties en
présence : d’un coté des palestiniens dont la violence ne fait que croître
proportionnellement à l’humiliation subie et de l’autre des israéliens qui
vivent dans une peur paranoïaque et craignent que tout assouplissement
vis-à-vis des palestiniens ne résulte en une menace pour leur propre sécurité.
Tant qu’il n’y aura pas suffisamment de membres dans chaque camp pour se mettre
dans la peau de l’autre, de vivre la situation en regardant réellement la
douleur et la peur qui percent dans le regard du voisin, il n’y aura aucune
solution.
En cours de beit midrash, une participante me demandait il y a une
semaine pourquoi la Bible décrit un Dieu si vindicatif, pourquoi il est autant
question de guerre, et tant d’épisodes bibliques sont violents ? Pourquoi
ne promeut on pas davantage la paix dans la Bible ?
L’un des noms de Dieu est Adonaï Tzebaot, littéralement le Dieu
des armées. Selon les commentateurs modernes cette appellation est une
réminiscence de la mythologie Canaanite, et fait référence à la guerre entre
divinités.
Adonaï Tzeabot vient aussi nous rappeler l’aspect symbolique de
cette lutte. Le plus souvent il s’agit de mener un combat contre soi-même et
ses mauvais penchants.
Et, lorsque guerre il y a, nous devons nous rappeler que la Torah
n’est pas un livre décrivant un monde idéal, mais le monde tel qu’il a été et
tel qu’il est encore. C’est un miroir dans lequel on peut voir nos rictus, et
essayer d’en tirer des leçons pour les redresser…
Le rictus de la semaine est celui d’un certain Balak, fils de
Tzipor, roi de Moab, qui ne voulait pas
laisser passer le peuple d’Israël par son territoire. Et pour cela, il a fait
appel à un mage réputé, une sorte de sorcier du nom de Balam afin de maudire ce
peuple et son Dieu, qui lui font si peur.
Mais son plan est contrecarré, Dieu intervient et utilise un
stratagème assez comique, l’Eternel met dans la bouche de Balam l’inverse de ce
qu’il voulait dire. Il remplace les mots de malédiction par des mots de bénédiction.
A plusieurs reprises la Torah emploi le verbe linkov qui veut dire
littéralement ‘percer’ traduit ici par maudire. Balak demande à Balam à deux
reprises de ‘percer’ l’ennemi Israël. Tous ses efforts aboutissent à un même
fiasco. Balam, littéralement celui qui les avale, ravale son discours
haineux et prononce à la place un discours de paix et d’harmonie. Les premières
phrases sont celles-là mêmes que nous répétons tous les matins à l’office :
ma tovu ohaleikha Yaakov michkenoteikha Israel – qu’elles sont belles
tes tentes Jacob, tes demeures Israël !
Que peut-on demander de plus à Dieu, que d’être béni par ses
propres ennemis.
Israël en tant que peuple comme en tant qu’Etat a été créé et
s’est maintenu en vie en s’accrochant à des valeurs, celles gravées dans la
Torah et rassemblées sous le terme générique de monothéisme éthique. Le
judaïsme nous enjoint de nous préoccuper des droits de l’étranger et des plus
vulnérables, à chacune de nos respirations. Et cela commence par les paroles
que l’on adresse à son prochain et l’interdiction absolue d’offenser,
d’humilier par les actes ou la parole, équivalente selon la Torah au fait de
verser du sang..
Ainsi que l’exprime le psalmiste[1] :
Qui est l’homme qui désire la vie, et qui aime chaque jour afin
d’y voir le bien ?
Garde ta langue du mal et tes lèvres du mensonge. Détourne-toi du
mal et fais le bien.
Cherche la paix et poursuis-la.
Ken Yhie Ratzon,
Chabbat shalom !
https://www.youtube.com/watch?v=ItZyRGIh9kw&list=RDItZyRGIh9kw&start_radio=1
[1]
Psaume 34 :14-15
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Cette semaine, j’ai été hapée par une très belle émission d’Arte « Histoires d’Israel », comme souvent quand il s’agit de quelque chose à propos d’Israël. L’émission était dédiée aux grands écrivains israéliens, tous ceux, qui enchantent notre imagination, nous font réfléchir et nous donnent tant de plaisir à les lire. Et je rappelle aujourd’hui le souvenir béni de ces géants récemment disparus : Amos Oz et Aharon Appelfeld z’’l
Ils parlaient simplement de leur vie, en particulier de leur enfance dans ce pays si complexe. Pour chacun, le tournant a été l’été 1967 et la guerre éclair dite des 6 jours. Cette guerre vécue comme une bénédiction est devenue rapidement une malédiction, ayant obligé le peuple hébreu à garder sous contrôle militaire une population palestinienne depuis plus de 50 ans.
C’est l’interview de Zurya Shalev qui m’a le plus touchée, elle qui avait 8 ans à l’époque et dont la mère s’inquiétait de sa santé mentale. Zurya passait son temps à écrire de magnifiques poèmes qui ne parlaient que de mort et de guerre. Cette mort et cette souffrance qu’elle côtoyait par voisins et amis interposés, ceux qui avaient perdu un fils, un frère ou un père à la guerre. Imagine t on comment se développe le psychisme d’une enfant qui a connu tant de guerres ? Pour qui la vie ne peut être vécue qu’enchevêtrée à la mort, et qui, des années plus tard, a du se reconstruire physiquement et psychiquement traumatisée après avoir survécu à un attentat ?
Israël est le pays au monde qui a connu la plus grande période de guerre, une guerre civile qui concerne des habitants qui ont tous deux une légitimité à vivre sur son territoire…une population qui a en partage le désespoir d’innombrables plans de paix, successivement avortés.
Le dernier en date n’a rien d’un plan de paix, puisqu’il déclare unilatéralement et définitivement l’annexion d’un territoire, sans discussions, ni négociations. Ceux qui restent de marbre face à cette souffrance répètent à l’envi que cette situation résulte d’un manque d’interlocuteurs fiables et sérieux pour faire la paix. Bien sûr on ne peut nier cette réalité aussi. Cependant, même si on a étudié superficiellement l’histoire moderne, on sait ce que produit une paix unilatérale qui dégrade un ennemi. C’est du déjà vu, Rappelons-nous ce qui s’est passé au début du siècle dernier.
Micah Goodman, philosophe israélien a parlé dans son livre Catch 67 de la dualité inconciliable qui a pris au piège les deux parties en présence : d’un coté des palestiniens dont la violence ne fait que croître proportionnellement à l’humiliation subie et de l’autre des israéliens qui vivent dans une peur paranoïaque et craignent que tout assouplissement vis-à-vis des palestiniens ne résulte en une menace pour leur propre sécurité. Tant qu’il n’y aura pas suffisamment de membres dans chaque camp pour se mettre dans la peau de l’autre, de vivre la situation en regardant réellement la douleur et la peur qui percent dans le regard du voisin, il n’y aura aucune solution.
En cours de beit midrash, une participante me demandait il y a une semaine pourquoi la Bible décrit un Dieu si vindicatif, pourquoi il est autant question de guerre, et tant d’épisodes bibliques sont violents ? Pourquoi ne promeut on pas davantage la paix dans la Bible ?
L’un des noms de Dieu est Adonaï Tzebaot, littéralement le Dieu des armées. Selon les commentateurs modernes cette appellation est une réminiscence de la mythologie Canaanite, et fait référence à la guerre entre divinités.
Adonaï Tzeabot vient aussi nous rappeler l’aspect symbolique de cette lutte. Le plus souvent il s’agit de mener un combat contre soi-même et ses mauvais penchants.
Et, lorsque guerre il y a, nous devons nous rappeler que la Torah n’est pas un livre décrivant un monde idéal, mais le monde tel qu’il a été et tel qu’il est encore. C’est un miroir dans lequel on peut voir nos rictus, et essayer d’en tirer des leçons pour les redresser…
Le rictus de la semaine est celui d’un certain Balak, fils de Tzipor, roi de Moab, qui ne voulait pas laisser passer le peuple d’Israël par son territoire. Et pour cela, il a fait appel à un mage réputé, une sorte de sorcier du nom de Balam afin de maudire ce peuple et son Dieu, qui lui font si peur.
Mais son plan est contrecarré, Dieu intervient et utilise un stratagème assez comique, l’Eternel met dans la bouche de Balam l’inverse de ce qu’il voulait dire. Il remplace les mots de malédiction par des mots de bénédiction. A plusieurs reprises la Torah emploi le verbe linkov qui veut dire littéralement ‘percer’ traduit ici par maudire. Balak demande à Balam à deux reprises de ‘percer’ l’ennemi Israël. Tous ses efforts aboutissent à un même fiasco. Balam, littéralement celui qui les avale, ravale son discours haineux et prononce à la place un discours de paix et d’harmonie. Les premières phrases sont celles-là mêmes que nous répétons tous les matins à l’office : ma tovu ohaleikha Yaakov michkenoteikha Israel – qu’elles sont belles tes tentes Jacob, tes demeures Israël !
Que peut-on demander de plus à Dieu, que d’être béni par ses propres ennemis.
Israël en tant que peuple comme en tant qu’Etat a été créé et s’est maintenu en vie en s’accrochant à des valeurs, celles gravées dans la Torah et rassemblées sous le terme générique de monothéisme éthique. Le judaïsme nous enjoint de nous préoccuper des droits de l’étranger et des plus vulnérables, à chacune de nos respirations. Et cela commence par les paroles que l’on adresse à son prochain et l’interdiction absolue d’offenser, d’humilier par les actes ou la parole, équivalente selon la Torah au fait de verser du sang..
Ainsi que l’exprime le psalmiste[1] :
Qui est l’homme qui désire la vie, et qui aime chaque jour afin d’y voir le bien ?
Garde ta langue du mal et tes lèvres du mensonge. Détourne-toi du mal et fais le bien.
Cherche la paix et poursuis-la.
Ken Yhie Ratzon,
Chabbat shalom !
https://www.youtube.com/watch?v=ItZyRGIh9kw&list=RDItZyRGIh9kw&start_radio=1
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