Pirke Avot 5:16 : "Tout amour qui dépend de son objet, si l’objet disparaît, l’amour disparaît, Mais s’il ne dépend d’aucun objet, il ne cessera jamais."
Vous avez surement tous entendu parler de cet épisode, un fait divers peu banal, concernant la pierre de quelques 100 kilos tombée au petit matin, le lendemain du 9 Av du Mur des Lamentations. Ce vieux mur de 2000 ans montrait donc des failles et où cela ? Juste au-dessus de l’esplanade de prière mixte utilisé par les libéraux et massortis du côté de l’arche de Robinson.
Certains, en l’occurrence l’adjoint au maire de Jérusalem Dov Kalmanovitch y ont vu un signe du courroux divin face à ces faux juifs, mécréants, c’est-à-dire nous ! Encore une fois…
D’autres ont répondu très justement, que si Dieu souhaitait nous faire signe et montrer sa désapprobation, il aurait pu choisir une heure plus tardive où justement, une de mes amies rabbins Valérie Stessin allait célébrer la bar mitsva d’un jeune de sa synagogue de Jérusalem. Arrivée très tôt sur les lieux, quelle ne fût pas sa surprise, et sa terreur. Elle a du trouver un autre emplacement pour la cérémonie…c’est d’ailleurs grâce à elle, que j’ai appris la nouvelle !
Le philosophe d’origine franco-marocaine, Ami Bouganim composa dans les jours qui suivirent un midrash à propos de cette chute.
Il imagina une convention de Sages, une sorte de Sanhédrin qui délibèrent sur ce qu’il convient de faire dans ce cas : faut-il mettre la pierre sous cloche et l’exposer au public ? Faut-il proférer des malédictions contre les libéraux ? Finalement les Sages se mettent à prier et disent même le kaddish sur cette pierre…Pierre qui selon le philosophe, incarne pour eux le verset : « car du mur la pierre crie et de la charpente le chevron répond »[1] ! Ce midrash qui mélange si bien réalité et absurde est plein d’humour, si vous souhaitez le lire en entier, voici le lien:
Quant à moi je me mis à imaginer un conseil des Pierres du Mur, des pierres qui parlent. Elles parlent et se plaignent, de qui ? De nous tous, qui nous affrontons autour de ce Mur… pour qui ? Pour quoi ? Pour des pierres plurimillénaires et plus fragiles qu’on ne le croit, qui risquent de nous tomber sur la figure. Ce mur qui devient objet de convoitise et de luttes fratricides, nous l’avons folklorisé à force de le sacraliser…bref nous l’avons bien abîmé et avons dénaturé sa fonction. Comment peut-il encore accueillir nos plaintes et nos prières ? Ce Mur pour lequel nous nous sommes tant languis et battus, ce Mur des Lamentations !
Pourquoi cette histoire de vieilles pierres ? Parce qu’elle illustre parfaitement le thème de notre paracha KI TAVO, où Moïse juste avant la traversée du Jourdain continue à sermonner son peuple. Il met le peuple en garde en déclinant une longue liste de bénédictions et malédictions qui pourraient s’abattre sur le peuple d’Israël s’il suit ou non les commandements. C’est cette théologie un peu naïve dite de la rétribution, qui a inspiré l’adjoint au maire de Jérusalem: la chute d’une pierre est le signe d’une punition divine !
Les pierres dans notre paracha ont une fonction spécifique, ou plutôt deux. D’une part il y a les pierres où sera gravée la Loi dans Deut 27 .
(2) Et quand vous serez arrivés au delà du Jourdain, dans le pays que l’Éternel ton Dieu t’accorde, tu érigeras pour toi de grandes pierres, que tu enduiras de chaux; et tu y écriras toutes les paroles de cette Torah après ta traversée, pour mériter d’entrer dans le pays que l’Éternel ton Dieu te destine, pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a promis le Seigneur, le Dieu de tes ancêtres.
Ainsi la Torah devra être gravée sur de la pierre enduite de chaux et érigée sur le mont Ebal pour être visible par tous. Imaginez la scène décrite dans notre paracha : d’un coté, 6 tribus proclament les bénédictions sur le Mont Gerizim et de l’autre, 6 leur font face en déclamant les malédictions sur le Mont Ebal.
Cette pierre enduite de chaux, véritable monument commémoratif sur lequel sont inscrits les commandements, s’appelle aussi une matzeva, écoutez comme cela sonne à l’oreille presque comme mitzva.
Cette pierre du souvenir ne devra surtout pas devenir une statue et nous faire trébucher vers l’idolâtrie, car voilà qu’on nous parle, au chapitre suivant, d’une deuxième sorte de pierres, celles de la malédiction !
(64) Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’une extrémité de la terre à l’autre; et là tu serviras des dieux étrangers, jadis inconnus à toi comme à tes pères, faits de bois et de pierre.
Ce sentier que nous devons emprunter chaque jour, où l’on nous commande d’ériger un monument de pierre mais pas une statue, est un sentier très étroit.
La pierre devient ainsi une belle métaphore de notre libre arbitre, du choix qui nous est donné et de ce qu’elle va représenter pour nous : avec elle, nous avons la possibilité de construire ou détruire ce que Dieu nous a confié.
Et me vient une image de ces pierres si banales et considérées sans valeur, voire comme une calamité, celles du désert qui elles aussi peuvent être totalement transfigurées, et se transformer à force d’effort, en terres cultivables, en champs de fleurs. Ce fût le cas dans le Neguev. Ce n’était pas de la magie, mais la vision d’un homme : Ben Gourion et le travail acharné de beaucoup d’autres qui croyaient en son rêve…faire fleurir Israël dans le désert.
Il me semble que la chute de la pierre du Mur est arrivée à point nommé ce lendemain du 9 Av, cette pierre rebelle, qui Dieu soit loué n’a pas fait de victimes, est venue nous crier sa vérité. Nous avons encore et toujours à lutter contre la tentation d’enfermer Dieu dans la pierre et de rigidifier le judaïsme.
La Torah est un fluide, comparée tantôt à de l’eau tantôt à du lait ou encore du miel, qui nous nourrit où que l’on soit et quel que soit notre forme de pratique. Et notre terre promise est celle où nous laissons couler en nous ce lait et ce miel…
Cet été je suis retournée à Haïfa à la recherche de ma « madeleine de Proust » ou plutôt des « borekas de Haïfa ». Mon but en retournant à l’endroit où j’avais vécu pendant près de quatre ans était officiellement l’étude de l’hébreu et du talmud mais officieusement je souhaitais renouer avec ma toute petite famille si éloignée.
J’ai vécu trois semaines avec les cousins germains de mon père, et me suis familiarisée avec leurs habitudes et leur emploi du temps. A 80 ans passés ils se demandaient ce qui resterait d’eux après leur départ de ce monde, ce qu’ils avaient réussi à transmettre à leurs 2 filles et 7 petits enfants. Ma tante tenait un journal des événements les plus marquants de sa vie, ceux que personne n’avait osé lui demander de raconter, en espérant qu’à un moment cela intéressera quelqu’un dans la famille… j’étais la première à écouter ses mémoires, chaque moment passé ensemble était imprégné de nostalgie.
Elle était très inquiète de ce qu’allait advenir de sa bibliothèque. On peut y trouver au moins un millier de livres en 5 langues différentes : roumain, français, anglais, allemand et hébreu,.
Il n’est pas facile d’abandonner ce qu’on considère comme un riche patrimoine culturel.
La question de la transmission à la génération suivante et du lâcher-prise m’a taraudée tout l’été. Cette dualité dans laquelle sont enfermés les deux générations : ceux qui “donnent” sont inquiets que ce pourquoi ils ont vécu ne leur survivra pas et ne sera pas utile aux générations futures. Ceux qui « reçoivent” se sentent coupables car incapables de prendre soin de ce patrimoine.
Cette bibliothèque comprenait essentiellement des romans ou livres politiques, parfois démodés, alors que d’autres livres classiques peuvent être stockés plus facilement en ligne.
La transmission des livres est un sujet délicat, la jeune génération peut avoir l’impression étrange de piétiner le patrimoine spirituel de leurs ainés. Les Juifs et les livres chacun le sait, c’est une véritable histoire d’amour. Nous honorons les livres comme nous honorons nos ainés. Mais plus de 2000 ans de tradition ont donné lieu à une immense quantité de livres. La manière dont nous nous comportons avec les livres est une métaphore de la manière dont nous nous comportons avec la tradition.
Il y a quelques jours à la bibliothèque du Leo baeck je suis tombée sur un document assez rare, l’almanach de Haaretz de l’année 1949/1950 . On pouvait y trouver des articles très intéressants sur les affaires étrangères et intérieuresd u tout jeune état, des poèmes magnifiques, des publicités modernes qui nous semblent tellement vintage auj., mais aussi de nombreuses statistiques. Israël n’avait qu’un an d’existence, mais la population s’élevait déjà à 553 985 juifs (les arabes n’étaiens pas mentionnés ! ) et ces statistiques avaient commencé dès 1919.
En 1947 41% des olim viennent de Russie et de Pologne comme les années précédentes d’ailleurs mais en 1948 la tendance change et exactement la même proportion- 41% – arrivent des Balkans (la plupart de Roumanie ) et le groupe de Russes et polonais ne représenté plus que 36%.
En cette période d’après-guerre, alors que 2/3 des Juifs d’Europe avaient été décimés par la Shoah, il était essentiel pour les nouveaux israéliens que la population croisse rapidement pour atteindre un nombre significatif de Juifs vivant à l’intérieur de leur nouvel état. Ceci pour confirmer s’il le fallait encore, que les Juifs avaient besoin de leur propre état.
Recenser des données sur la population juive est un éternel sujet de préoccupation que nous mettons souvent à l‘avant de nos préoccupations. La plupart du temps, on se compte pour se distraire de son anxiété, parfois c’est aussi une source de satisfaction et de joie. Nous comptons combien de juifs vivent en France, combien à Lyon et sa région, combien appartiennent à la synagogue libérale ici ou ailleurs, et quelle part nous représentons dans le judaïsme global.
Le livre Bamidbar– dans le Désert, que nous commençons à lire ce Shabbat parle beaucoup de chiffres, d’où la traduction de son nom en français et en d’autres langues par le mot Nombres etc.. Selon l’anthropologue Mary Douglas dans son livre « l’héritage des fils de Jacob » le but est de nous transmettre la “doctrine de l’unité des enfants d’Israël” et « de nous alerter sur le risque de sécession”. Il apparait que depuis l’époque biblique jusqu’à nos jours, c’est le plus grand danger qui menace Israël (en tant que peuple et en tant qu’état à présent). C’est la raison pour laquelle tant de passages sont dédiés au dénombrement des enfants d’Israël.
« Ki tetze la milhama al oyvekha » « quand tu partiras pour faire la guerre sur/contre tes ennemis». Ainsi commence la paracha de cette semaine.
Les versets qui suivent nous parlent de ce qu’il convient de faire lorsqu’un combattant prend une femme comme otage de guerre pour l’épouser. Cette histoire est connue sous le nom de Eshet Ifat Toar la femme de belle allure pour laquelle le soldat a un désir irrepressible (חשק).
« Si tu vois dans cette prise de guerre, une femme de belle figure qu’elle t’attire et que tu veuilles la prendre pour épouse, tu l’amèneras d’abord dans ta maison, elle se rasera la tête et se coupera les ongles, se dépouillera de son vêtement de captive, demeurera dans ta maison et pleurera son père et sa mère un mois entier. Alors seulement tu pourras la posséder et elle sera ton épouse ». (Deut. 21 :10-14)…C’est un curieux descriptif qui vous l’imaginez a suscité beaucoup de commentaires et de questions.
La paracha Ki Tetze, est aussi celle qui contient le plus grand nombre de commandements. Ceux, assez dérangeants, concernant la femme captive ne sont qu’une petite partie d’entre eux. Nous y reviendrons.
Il n’y a pas moins de 72 commandements positifs ou négatifs dans ki tetze.
Un midrash qui apparait dans Devarim Rabbah 6,3 compare les mitsvot à « un chapelet de grâce autour de la tête » (Proverbes 1 :9). Le midrash explique que pour chaque acte banal de la vie quotidienne le fait de le relier à un commandement positif comme l’obligation de construire un parapet sur le toit (Deut 22 :8) ou négatif comme l’interdiction de faire labourer un bœuf et un âne ensemble (Deut 22 :10 ) ont une raison d’être (au dela de leur aspect éthique evident dasn ces 2 cas). Celle d’accompagner chaque acte de notre vie d’actes pieux » nous dit le midrash ce qui «élève nos actes quotidiens au niveau du service divin ».
Mais comment nous relier à ces mitsvot lorsqu’elles sont dérangeantes et sont injustes ? En tant qu’êtres essentiellement rationnels, nous cherchons à trouver du sens et une logique dans leur contenu et la manière dont ces lois s’appliquent ou non aujourd’hui.
Lekol ish yesh shem
shenatan lo elohim
venatnu lo aviv ve’imo
Chacun a un nom, celui que Dieu lui a donné
et celui que lui ont donné son père et sa mère.
Ainsi commence un célèbre poème de Zelda poétesse contemporaine, israélienne d’origine polonaise, (cousine du rabbin Loubavitch Schneerson).
Ce poème est souvent associé à la mémoire de la Shoah, ce jour, où les communautés juives libérales ont institué la lecture publique des noms des déportés Juifs de France. Nous lisons à haute voix tous ces noms pour leur donner une mémoire et une sépulture, pour qu’ils ne soient pas morts en vain ; le shav de la racine ש ו א, celle du mot Shoah.
71 ans après la libération des camps, alors que le nombre de survivants diminue comme peau de chagrin et que la mémoire de la Shoah est malmenée ou instrumentalisée par certains, cette journée du souvenir est plus que jamais nécessaire. Commémorer le crime contre l’humanité qu’a été la Shoah , n’est pas nous complaire dans notre particularisme, au contraire, c’est faire œuvre de pédagogie, c’est un message universel.
Il y a quelques jours, Romane se faisait l’écho de ses amis un peu froum , observants qui lui demandaient si un rabbin libéral observe le shabbat ? Sous-entendu est ce qu’un rabbin libéral est un rabbin « comme les autres » ? Et s’il ne l’est pas, pourquoi ? Est-il/elle un ‘vrai’ rabbin « cacher » ?
En apparence, cette question semble porter sur le respect de la Loi, de la Halakha? Mais, de manière plus insidieuse, elle pose une question qui nous obsède un peu trop à savoir : qui est « vraiment » Juif ? ce qui nous préoccupe presque autant que les questions d’antisémitisme…
Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais ça m’agace particulièrement ces choses qu’on laisse aller dans la maison, ces objets qui doivent être réparés, voire changés et qu’on laisse pendant des semaines voire des mois, se détériorer sans rien faire. Un miroir un peu ébréché, une porte qui ne ferme plus, un papier peint qui se décolle du mur, une ampoule grillée : enfin vous voyez de quoi je veux parler ! Tant de signes de laisser aller, et du temps qui passe irrémédiablement… Dans ce cas, j’ai beau me raisonner ou me rappeler que notre tradition nous enjoint de toujours laisser un coin de sa maison inachevé, voire même volontairement abimé… rien n’y fait !
D’ailleurs, quelle est l’origine de cette tradition ? Selon certains, ce serait en souvenir de la destruction du temple, pour d’autres une façon de se rappeler plus généralement, que notre joie ne peut jamais être totale, en souvenir de la litanie des malheurs que notre peuple a vécu…(un peu comme le verre brisé lors du mariage)
Drôle de coutume qui se joue de ma névrose de perfection !
A l’opposé, les instructions très précises, données par Dieu à Moïse dans les péricopes précédents, pour construire le temple portatif ressemblent plutôt à de la maniaquerie !
Et en plus, pour s’assurer de la réalisation parfaite de l’ouvrage, l’Eternel choisit de nommer Bezalel, comme grand architecte, maître d’œuvre du tabernacle.
Pour ceux qui se seraient déjà assoupis, Non on ne parle pas de tabernakle fameux juron canadien contre l’église !
Bezalel donc l’architecte du tabernacle, dont le nome veut dire littéralement « à l’ombre de Dieu », a des dons artistiques exceptionnels. Il est le seul à pouvoir mener à bout le projet de cette construction extraordinaire, Capable de reproduire à la perfection les consignes reçues par l’intermédiaire de Moise.
Il est décrit comme inspiré par Dieu : doté du ruakh Elohim, synonyme de l’âme dans le sens émotionnel selon la Kabbale. Il concentre en lui, non seulement ces qualités d’âme mais aussi des qualités intellectuelles : il est doté à la fois de Tevuna : origine du mot bina, compréhension, discernement, de hokhma : de sagesse, ou d’intuition, et de daat : de connaissance. Et en plus, il est habile de ses mains. Il a un adjoint Oholiab pour l’aider dans son entreprise et des ouvriers tous dotés de cœur et de l’intelligence du cœur et auxquels Dieu a ajouté de la sagesse – ublev kol hakham lev natati hokhma. Il est peu probable que Bezalel et son équipe n’aient laissé ne serait-ce qu’un petit recoin du sanctuaire non parfaitement achevé…
Comme les deux facettes d’une même pièce, suit dans notre paracha le coté pile de la même histoire : la construction du veau d’or….
Le peuple est impatient, Moïse tarde à revenir. Ils veulent en urgence se fabriquer une image de Dieu palpable qui réside parmi eux, ou plutôt une image de chef, un substitut de Moïse qui leur a fait tant de promesses et à présent leur fait faux bond ! … Les hommes otent (voire arrachent) les bijoux à leurs femmes et avec l’accord voire l’encouragement d’Aharon, ils fabriquent une image fondue (une massekha : un masque comme à Purim). Cela donne lieu à une sorte de débauche désordonnée qui apaise leurs angoisses !
A priori, un même zèle religieux est à l’origine de la fabrication du temple portatif et du veau d’or. Une même volonté de servir Dieu et de créer un lieu de rendez-vous pour qu’Il puisse résider parmi son peuple.
Eugène Borowitz, un des plus éminents théologiens et professeurs du HUC, qui nous a quittés fin janvier, zikhrono livrakha décrit dans un de ses livres, les vertus morales du judaïsme. Un chapitre entier est consacré au zèle, qui se dit zerizout en hébreu. Un homme zélé : un zariz (traduit de manière erroné par empressé) est celui non pas qui se précipite à agir mais au contraire, prend le temps pour s’occuper de manière utile, pour bien faire les choses ! Il agit à la fois avec son cœur et son esprit.
Ces 2 récits, la construction du tabernacle et la fabrication du veau d’or, sont comme en dialogue l’un avec l’autre. Ils nous enseignent qu’il y a deux formes de zèle/zerizut : le bon et le moins bon. Ou plutôt deux émotions à l’origine du zèle qui peuvent aboutir à leur exact opposé. Et la frontière entre les deux est, comme souvent, étroite…
Dieu parle des hébreux qui ont fabriqué le veau d’or ainsi « sarou maher min haderekh asher zivitam » (Shemot 32 :8) « ils se sont empressés de se détourner de la voie que je leur avais commandé de suivre ». Ils se sont montrés impatients, se sont affairés de manière désordonnée pour obtenir une satisfaction immédiate !
Et Dieu, très en colère, invective à quatre reprises ce peuple qui l’a trahi en le traitant de : «am kshe oref » « peuple à la nuque roide ». Comme un parent qui rejette la faute sur l’autre parent, il dit à Moïse « ton peuple a détruit». Et depuis comme des enfants, nous sommes marqués du sceau de cette parole (un peu maladroite) du père. Nous avons du mal à nous défaire de cette appellation qui nous colle à la peau.
Dès que nous levons la tête et que nous semblons un peu trop surs de nous, voilà que cette image de la nuque raide revient. Cela figure en filigrane dans le discours célèbre du Général De Gaulle en novembre 1967 quelques mois après la guerre des 6 jours merci google de m’avoir aidée à retrouver la phrase complète: « les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : l’an prochain à Jérusalem »[1]. Ce discours d’il y a près de 50 ans, a profondément blessé les Juifs de France et a marqué le début de la dégradation des relations, jusqu’alors quasi idylliques, entre la France et Israël.
A l’époque alors qu’Israël était menacé de toutes parts, ce discours était assez maladroit.
Aujourd’hui le son de cloche, venu du laboratoire de recherche qu’est Israël, est un peu différent : cette invective (prophétique ?) n’est pas totalement dénouée de vérité. Côté face : les nouvelles du progrès technologique et scientifique éblouissants à mettre au crédit d’Israël, démontrent comment l’intelligence et l’inspiration peuvent être mises au service d’un bien-être supérieur, celui de l’humanité. Côté pile : certaines décisions politiques étriquées prises à l’emporte-pièce, ne font que confirmer la fameuse attaque de am kshé oref peuple à la nuque roide.
C’est un travail d’équilibriste de ne pas se basculer du côté où nos talents sont utilisés à mauvais escient, gonflés d’ambition, d’ego et d’arrogance.
Construire notre sanctuaire intérieur est un travail quotidien, car au fond nous sommes des êtres perfectibles qui voulons en général faire le bien et réparer ce monde. La zerizut prisée par les rabbins consiste à s’occuper utilement leshem shamaïm au nom du divin qui nous dépasse. C’est cela se rapprocher de l’idéal biblique incarné par Bezalel, être à l’ombre de Dieu et agir à l’image de Dieu, Betzelem Elohim .
Est-ce que vous avez déjà entendu parler de Pulsa dinura ? ce n’est pas de l’italien mais de l’araméen…Pour ma part j’ai découvert ce terme et le rituel qui va avec dans le dernier film d’Amos Gitaï qui relate l’assassinat d’Ytzhak Rabin,
le PULSA DINURA est évoqué notamment dans le traité Hagiga 15a à propos d’Elisha Ben Abuya appelé aussi Akher qui est pour les rabbins du talmud, la figure type de l’hérétique …il est par conséquent puni par 60 coups d’anneaux chauffés et attachés à un fouet (littéralement ce que veut dire pulsa dinura). Cela fait partie du herem – l’excommunication.
Mais certains groupes ultra-orthodoxes adeptes du kabbalisme l’ont totalement dévoyé et ont transformé la punition en malédiction. Le rituel est assez complexe, cela se rapproche de la magie noire; une suite d’invocations prononcées par 10 rabbins (moralement irréprochables sic) à minuit au son du shoffar, à la lumière de bougies noires, contre « une cible » censée mourir dans l’année. Mais pour dissuader les plus fanatiques, l’invocation peut avoir un effet boomerang et se retourner contre les rabbins qui l’ont invoquée Si ils se trompent « de cible »,!
Le Pulsa Dinura aurait été pratiqué à 3 ou 4 reprises dans l’histoire : contre Trotski et plus récemment contre Yitzhak Rabin et Ariel Sharon…dont on connait l’issue fatale.
Comment des personnes qui se disent religieuses et respectueuses de la parole de Dieu peuvent se prêter à de telles cérémonies qui incitent au meurtre ? Comment en est-on arriver à mélanger religion et politique, jusqu’à conduire à l’assassinat d’un premier ministre qui a changé le cours de l’histoire ?
L’onde de choc a été terrible et les plus optimistes se sont pris à rêver qu’on avait atteint le fond et qu’Israël ne pouvait qu’en tirer les conséquences, cela signait la fin de ces dangereux extrémistes…Mais 20 ans après quelles leçons a-t-on tiré de ce crime abominable ? Quelles mesures ont été prises contre ces dangereux énergumènes qui pervertissent le judaïsme ? Y a-t-il eu un vrai débat dans le pays à ce sujet ? Malheureusement, le religieux et le politique n’ont fait que s’emmêler davantage dans une pelote qui semble aujourd’hui inextricable et incontrôlable, on a même assisté depuis à une escalade de la violence et ponctuellement à d’autres actes criminels (contre des palestiniens, des chrétiens)
Vous vous demandez pourquoi pointer du doigt ces cas isolés perpétrés en Israël alors que les crimes islamistes se comptent par milliers et nous menacent bien davantage ? Malheureusement les crimes perpétrés « chez nous » ou « chez eux » ont pour origine un même fanatisme, un même désir d’être sous le feu des projecteurs ne serait-ce qu’une minute, donner un simulacre de sens à une vie qui n’en a aucun….
Oui ils sont moins fréquents parmi nos coreligionnaires– mais leur existence même doit nous alerter !
Nous vivons une époque où des tabous sont tombés, Comment peut-on invoquer Dieu pour maudire et détruire ? Quel esprit perverti peut imaginer que c’est cela ce que Dieu attend de nous ?
Nous avons le choix alors de nous tourner plutôt vers les paroles qui ont permis de conserver la Création : les 10 commandements. Nous lirons demain matin ces 14 versets qui apparaissent une première fois dans la paracha Yitro, nous les lirons à nouveau à Shavuot puis dans le Deutéronome paracha Ethanan. Pour certains rabbins ces 10 paroles étaient la quintessence de la Torah, d’autres ont pensé que c’était une hérésie de créer ainsi une hiérarchie entre les commandements. Ce n’est pas étranger à la crainte d’être absorbé par le christianisme qui avait fait du décalogue un élement central de sa foi et de sa liturgie (à l’exception du commandement sur le Shabbat).
Les dix commandements sont la base éthique (notion qui selon Paul Ricoeur renvoie à la visée d’une vie accomplie) et morale (code de conduite) adopté par les 3 monothéismes est un socle pour vivre en société, le minimum vital pour qu’un groupe humain puisse perdurer.
Selon le commentateur médiéval Abraham Ibn Ezra tous nos commandements peuvent être classés en 3 catégories: les commandements du cœur, de la parole et des actes. Les 10 commandements n’échappent pas à cette règle, ils ont de plus une organisation symétrique (chiasme). Les 5 premiers nous parlent de notre relation à Dieu : et sont des commandements du cœur. Les 5 derniers sont des actes interdits.
Je vous propose de mettre en lumière l’un d’entre eux, le 6è: lo tirtzakh : tu ne tueras pas. Cela semble clair, il ne peut y avoir de doute, de « oui mais », pas de condition à ces 2 termes. Mais le questionnement existe pour les Juifs, les chrétiens et les musulmans ! est que la racine resh tzadik khet se réfère au meurtre uniquement ou à toute manière d’oter la vie ? est ce que par conséquent la peine capitale doit être prohibée ? L’avortement ? La version musulmane de cet interdit est même formulée de manière conditionnelle : « Nous avons commandé aux enfants d’Israël que quiconque tue une personne – à moins qu’elle n’ait commis un meurtre ou semé la corruption dans le pays – c’est comme s’il avait tué tous les hommes .» (Sourate 5:v32)…
Mais pourquoi cet interdit de tuer ? Quelles sont les conséquences selon la Bible ? MA Ouaknin nous dit dans son livre sur les 10 cdts : que cela veut dire « nier que l’autre a un visage, son unicité, la précieuse individualité qui fait que Dieu s’est révélé de manière particulière en chacun de nous. Or en hébreu c’est la racine shav (shin vav aleph) qui désigne l’indistinction entre les êtres. le terme shoah est issu de cette même racine shav: car la Shoah a tenté de créer une uniformité morbide, ce qui est aussi le but du fascisme religieux! C’est cela la leçon de la Shoah, alors que nous commémorons ce dimanche la libération d’Auschwitz pour la 71 fois, l’actualité nous rappelle qu’il faut plus que jamais méditer sur ce legs la ! Car qu’est ce que la Shoah sinon le résultat de mots et de discours de haine envers l’autre?
Et si nous-mêmes, qui en avons été victimes, ne l’avons pas intégré, comment attendre qu’il en soit autrement de l’autre ?
Nachman de Brastlav, le fondateur du mouvement hassidique Braslav (à la fin du 18e siècle) nous a transmis ces mots qui font partie de notre liturgie : « kol haolam koulo gesher tzar meod, vehaykar lo lefahed klal » « le monde entier est un pont très étroit et l’essentiel est de ne jamais avoir peur ». Oui la voie est très étroite. Quel antidote avons-nous à cela ?
Le discernement et le courage sont plus que jamais nécessaires. A cette haine et cette violence nous devons opposer l’amour de Dieu et de son prochain, une vie faite de liens et tournée vers l’autre sans contrepartie, le pire qui peut nous arriver c’est d’en éprouver de la joie !
Etre conscient de la fragilité et des besoins de l’autre dans notre tradition cela s’appelle le hessed. Ce terme complexe est décrit ainsi par le théologien américain Michael Fishbane : agir en ayant Dieu dans notre esprit et dans notre cœur et être à son image c’est tendre la main, soutenir, être une béquille pour celui qui chancelle, faire preuve de gentillesse et de générosité. Le hessed est un travail sacré de rédemption.
« Vayhi kol haaretz safa ahat udvarim ahadim » – et toute la terre était une même langue et des paroles uniques ». ainsi commence l’histoire de la Tour de Babel dans Bereshit 11 :1
C’est en lisant ce verset à voix haute qu’on peut se rendre compte de sa beauté . Un monde idéal est devant nous, à portée de regard avec ces 7 mots. Un monde où tout le monde partage un même langage et de ce fait est capable de se comprendre l’un l’autre.
Nos 5 sens sont en éveil lorsque nous les 9 versets qui composent cette célèbre histoire. On peut voir les efforts du peuple en train de réaliser leur tâche presque sacrée. Nous pouvons également avoir à l’esprit le fameux tableau de Breugel l’ancien avec cette tour dont il manque le sommet, qui ressemble un peu au Colisée. Nous pouvons entendre le bruit des ouvriers qui assemblent les briques, imaginer leur texture, et écouter leurs conversations dans une langue commune. Et lorsque nous lisons ou cantilons les versets de la Torah, apprécier leur mélodie.
La démocratie a parlé, mardi 17 mars Bibi a été réélu pour un 4e mandat (dont le 3e consécutif) à la tête de l’état hébreu.
Même si tous les courants sont représentés au sein des synagogues libérales, nous accordons une importance particulière aux valeurs universelles : les droits de l’homme, la justice sociale, le respect et le vivre ensemble et la paix. Il est évident que certaines de ces valeurs sont davantage défendues par un camp que par l’autre.
En 2015, pour la première fois dans son histoire, Israël rassemble plus de la moitié de la population juive mondiale avec 7M d’habitants. Alors que 6M environ vivent en diaspora. Autre fait historique, nous avons le choix : celui de nous installer ici ou là-bas, de continuer à répéter « l’an prochain à Jérusalem » ou de le vivre. Mais quel que soit notre choix, nous nous sentons interconnectes avec ce qui se passe la bas. L’état d’Israël est confronté à des problèmes de justice sociale de corruption au plus haut niveau de l’état et bien sûr de guerre. Diriger ce pays n’est pas une sinécure et durant la campagne des avis divergents, voire opposés se sont fait entendre afin de proposer des remèdes. Mais parfois les mots prononces dépassent la divergence d’opinion, les attitudes dépassent la conviction dans ses idées. L’arrogance, une forme de toute puissance ne sont pas des attitudes attendues de la part du dirigeant d’un pays qui dépend encore du soutien de ses alliés. Et surtout le racisme n’est pas une simple opinion. Apres avoir attendu plusieurs millénaires pour pouvoir restaurer un état sur cette terre et l’avoir vécu comme une bénédiction, il ne faudrait pas que cela se transforme en malédiction…ce que certains signes nous font malheureusement présager.
Ki Tavo 31 août 2018
de Daniela Touati
On 31 août 2018
dans Commentaires de la semaine
Vous avez surement tous entendu parler de cet épisode, un fait divers peu banal, concernant la pierre de quelques 100 kilos tombée au petit matin, le lendemain du 9 Av du Mur des Lamentations. Ce vieux mur de 2000 ans montrait donc des failles et où cela ? Juste au-dessus de l’esplanade de prière mixte utilisé par les libéraux et massortis du côté de l’arche de Robinson.
Certains, en l’occurrence l’adjoint au maire de Jérusalem Dov Kalmanovitch y ont vu un signe du courroux divin face à ces faux juifs, mécréants, c’est-à-dire nous ! Encore une fois…
D’autres ont répondu très justement, que si Dieu souhaitait nous faire signe et montrer sa désapprobation, il aurait pu choisir une heure plus tardive où justement, une de mes amies rabbins Valérie Stessin allait célébrer la bar mitsva d’un jeune de sa synagogue de Jérusalem. Arrivée très tôt sur les lieux, quelle ne fût pas sa surprise, et sa terreur. Elle a du trouver un autre emplacement pour la cérémonie…c’est d’ailleurs grâce à elle, que j’ai appris la nouvelle !
Le philosophe d’origine franco-marocaine, Ami Bouganim composa dans les jours qui suivirent un midrash à propos de cette chute.
Il imagina une convention de Sages, une sorte de Sanhédrin qui délibèrent sur ce qu’il convient de faire dans ce cas : faut-il mettre la pierre sous cloche et l’exposer au public ? Faut-il proférer des malédictions contre les libéraux ? Finalement les Sages se mettent à prier et disent même le kaddish sur cette pierre…Pierre qui selon le philosophe, incarne pour eux le verset : « car du mur la pierre crie et de la charpente le chevron répond »[1] ! Ce midrash qui mélange si bien réalité et absurde est plein d’humour, si vous souhaitez le lire en entier, voici le lien:
http://www.euromed.institute/post/chronique-de-jerusalem-la-larme-que-versa-le-mur-pour-protester-contre-les-prieres-melees
Quant à moi je me mis à imaginer un conseil des Pierres du Mur, des pierres qui parlent. Elles parlent et se plaignent, de qui ? De nous tous, qui nous affrontons autour de ce Mur… pour qui ? Pour quoi ? Pour des pierres plurimillénaires et plus fragiles qu’on ne le croit, qui risquent de nous tomber sur la figure. Ce mur qui devient objet de convoitise et de luttes fratricides, nous l’avons folklorisé à force de le sacraliser…bref nous l’avons bien abîmé et avons dénaturé sa fonction. Comment peut-il encore accueillir nos plaintes et nos prières ? Ce Mur pour lequel nous nous sommes tant languis et battus, ce Mur des Lamentations !
Pourquoi cette histoire de vieilles pierres ? Parce qu’elle illustre parfaitement le thème de notre paracha KI TAVO, où Moïse juste avant la traversée du Jourdain continue à sermonner son peuple. Il met le peuple en garde en déclinant une longue liste de bénédictions et malédictions qui pourraient s’abattre sur le peuple d’Israël s’il suit ou non les commandements. C’est cette théologie un peu naïve dite de la rétribution, qui a inspiré l’adjoint au maire de Jérusalem: la chute d’une pierre est le signe d’une punition divine !
Les pierres dans notre paracha ont une fonction spécifique, ou plutôt deux. D’une part il y a les pierres où sera gravée la Loi dans Deut 27 .
Deutéronome 27:2-3
(2) Et quand vous serez arrivés au delà du Jourdain, dans le pays que l’Éternel ton Dieu t’accorde, tu érigeras pour toi de grandes pierres, que tu enduiras de chaux; et tu y écriras toutes les paroles de cette Torah après ta traversée, pour mériter d’entrer dans le pays que l’Éternel ton Dieu te destine, pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a promis le Seigneur, le Dieu de tes ancêtres.
דברים כ״ז:ב׳-ג׳
(ב) וְהָיָ֗ה בַּיּוֹם֮ אֲשֶׁ֣ר תַּעַבְר֣וּ אֶת־הַיַּרְדֵּן֒ אֶל־הָאָ֕רֶץ אֲשֶׁר־יְהוָ֥ה אֱלֹהֶ֖יךָ נֹתֵ֣ן לָ֑ךְ וַהֲקֵמֹתָ֤ לְךָ֙ אֲבָנִ֣ים גְּדֹל֔וֹת וְשַׂדְתָּ֥ אֹתָ֖ם בַּשִּֽׂיד׃ (ג) וְכָתַבְתָּ֣ עֲלֵיהֶ֗ן אֶֽת־כָּל־דִּבְרֵ֛י הַתּוֹרָ֥ה הַזֹּ֖את בְּעָבְרֶ֑ךָ לְמַ֡עַן אֲשֶׁר֩ תָּבֹ֨א אֶל־הָאָ֜רֶץ אֲֽשֶׁר־יְהוָ֥ה אֱלֹהֶ֣יךָ ׀ נֹתֵ֣ן לְךָ֗ אֶ֣רֶץ זָבַ֤ת חָלָב֙ וּדְבַ֔שׁ כַּאֲשֶׁ֥ר דִּבֶּ֛ר יְהוָ֥ה אֱלֹהֵֽי־אֲבֹתֶ֖יךָ לָֽךְ׃
Ainsi la Torah devra être gravée sur de la pierre enduite de chaux et érigée sur le mont Ebal pour être visible par tous. Imaginez la scène décrite dans notre paracha : d’un coté, 6 tribus proclament les bénédictions sur le Mont Gerizim et de l’autre, 6 leur font face en déclamant les malédictions sur le Mont Ebal.
Cette pierre enduite de chaux, véritable monument commémoratif sur lequel sont inscrits les commandements, s’appelle aussi une matzeva, écoutez comme cela sonne à l’oreille presque comme mitzva.
Cette pierre du souvenir ne devra surtout pas devenir une statue et nous faire trébucher vers l’idolâtrie, car voilà qu’on nous parle, au chapitre suivant, d’une deuxième sorte de pierres, celles de la malédiction !
Deutéronome 28:64
(64) Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’une extrémité de la terre à l’autre; et là tu serviras des dieux étrangers, jadis inconnus à toi comme à tes pères, faits de bois et de pierre.
דברים כ״ח:ס״ד
(סד) וֶהֱפִֽיצְךָ֤ יְהוָה֙ בְּכָל־הָ֣עַמִּ֔ים מִקְצֵ֥ה הָאָ֖רֶץ וְעַד־קְצֵ֣ה הָאָ֑רֶץ וְעָבַ֨דְתָּ שָּׁ֜ם אֱלֹהִ֣ים אֲחֵרִ֗ים אֲשֶׁ֧ר לֹא־יָדַ֛עְתָּ אַתָּ֥ה וַאֲבֹתֶ֖יךָ עֵ֥ץ וָאָֽבֶן׃
Ce sentier que nous devons emprunter chaque jour, où l’on nous commande d’ériger un monument de pierre mais pas une statue, est un sentier très étroit.
La pierre devient ainsi une belle métaphore de notre libre arbitre, du choix qui nous est donné et de ce qu’elle va représenter pour nous : avec elle, nous avons la possibilité de construire ou détruire ce que Dieu nous a confié.
Et me vient une image de ces pierres si banales et considérées sans valeur, voire comme une calamité, celles du désert qui elles aussi peuvent être totalement transfigurées, et se transformer à force d’effort, en terres cultivables, en champs de fleurs. Ce fût le cas dans le Neguev. Ce n’était pas de la magie, mais la vision d’un homme : Ben Gourion et le travail acharné de beaucoup d’autres qui croyaient en son rêve…faire fleurir Israël dans le désert.
Il me semble que la chute de la pierre du Mur est arrivée à point nommé ce lendemain du 9 Av, cette pierre rebelle, qui Dieu soit loué n’a pas fait de victimes, est venue nous crier sa vérité. Nous avons encore et toujours à lutter contre la tentation d’enfermer Dieu dans la pierre et de rigidifier le judaïsme.
La Torah est un fluide, comparée tantôt à de l’eau tantôt à du lait ou encore du miel, qui nous nourrit où que l’on soit et quel que soit notre forme de pratique. Et notre terre promise est celle où nous laissons couler en nous ce lait et ce miel…
Shabbat shalom
[1] Habakuk 2 :1