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Le récit d’Abraham recevant la visite de 3 anges est le modèle de ce à quoi doit ressembler l’hospitalité selon la tradition juive. Abraham est l’archétype de l’hôte parfait. Non seulement parce qu’il offre un repas élaboré et ne lésine pas sur les moyens pour accueillir des visiteurs de passage, mais aussi parce qu’il le fait avec beaucoup de diligence. Les verbes courir et se dépêcher sont répétés à 4 reprises dans ce court passage : 18:2 : vayarotz ; 18 :6 : vaymaher, mahari ; 18 :7 ratz. Abraham, en pleine convalescence, se montre prévenant et empressé. Ce qui est peut-être moins connu est que ce récit est le premier qui décrit en détail un repas de nos ancêtres et sa préparation. C’est une forme de plongée dans l’intimité culinaire de nos ancêtres. Au début du chapitre 18 de la Genèse, Abraham demande à Sarah de se hâter de prendre de la farine et fabriquer des gâteaux et pendant ce temps il se dépêche d’abattre et préparer un chevreau. Diana Lipton, professeure de Bible et d’études juives est l’éditrice d’un livre de commentaires sur la nourriture dans la Torah. Dans ‘From forbidden fruit to milk and honey’ elle analyse ce qui se rapporte à la nourriture dans chacune de nos sidrot. A propos de Vayera, elle fait remarquer dans son commentaire sur la préparation du repas par Abraham et Sarah, comment la répartition des rôles entre époux a peu évolué, puisqu’elle est celle qu’on peut constater encore de nos jours dans la plupart des familles. La femme cuit les pâtisseries tandis que l’homme s’occupe du barbecue ! Cet épisode de la visite des 3 anges et l’annonce à Sarah qu’elle donnera bientôt naissance au deuxième patriarche, est suivi par l’épisode de la destruction de Sodome. Dieu souhaite l’anéantir et Abraham intercède. Pourquoi ces deux épisodes qui n’ont à première vue aucun lien figurent ainsi l’un à la suite de l’autre ? Il semble que ce soit pour mieux mettre en contraste le comportement noble d’Abraham et celui détestable du roi de Sodome et de ses concitoyens. En effet, le roi de Sodome se présente les mains vides auprès d’Abraham, alors que ce dernier lui a permis de conserver son royaume, et que la coutume veut qu’on apporte un cadeau sous forme de nourriture pour honorer son sauveur. Le comportement du roi est celui de toute la population de Sodome qui se montre peu hospitalière, voire hostile envers non seulement ses visiteurs mais aussi les plus nécessiteux. Un midrash nous raconte que la fille de Lot (neveu d’Abraham), Paletit, mariée à un riche homme de Sodome bravait le décret du roi de Sodome interdisant de donner du pain aux pauvres. Tous les matins en allant puiser de l’eau, elle distribuait des provisions à un homme démuni qu’elle croisait sur sa route. Quand les officiels comprirent pourquoi ce pauvre homme vivait encore, ils attrapèrent Paletit et décidèrent de la condamner au bûcher. Alors qu’elle criait face à cette injustice, Dieu entendit son cri et descendit voir ce qui se passe et constata ainsi l’iniquité de la population de Sodome, qu’il décida d’anéantir… Mais Abraham s’interposa et plaida pour les potentiels justes qui se trouveraient encore parmi la population de Sodome. Abraham pose même la question à Dieu, lui qui a un comportement exemplaire : comment va-t-Il distinguer entre les bons les méchants ? Haaf tispe tzadik im rasha ? Abraham est un homme connu pour sa compassion et n’imagine pas que toute une ville puisse se comporter de manière aussi abjecte. Ainsi les règles non écrites de l’accueil de l’autre ont des ramifications bien plus profondes et permettent de prédire aussi la manière dont on traitera son prochain et surtout les plus fragiles d’entre eux. L’hospitalité et l’éthique sont interconnectées. Mais que se passe-t-il lorsque l’éthique de l’accueil de l’autre se heurte aux restrictions alimentaires, comme la cacherout par ex. ? La préparation du repas par Abraham et Sarah dans notre paracha comporte un verset qui a rendu perplexe de nombreux rabbins et commentateurs. Pour quelle raison le chevreau a été servi avec de la crème et du lait ? Abraham considéré comme le plus observant de tous nos ancêtres aurait transgressé les lois de la cacherout et de plus en recevant des hôtes ? Certains commentateurs nous disent que cet épisode se déroule avant le don de la Torah, et les lois de la cacherout ne s’appliquaient pas encore. Mais des midrashim louent la méticulosité de l’observance des commandements par Abraham même s’il n’était pas de la génération des Bnei Israël, comme s’il avait déjà anticipé toutes ces règles méticuleuses. D’autres commentateurs expliquent qu’Abraham aurait respecté le temps nécessaire entre la consommation de lait et de viande…Bref un véritable casse-tête rabbinique. La table, lieu par excellence de la rencontre est depuis des toujours également un lieu de tension et d’exacerbation des différences selon son degré d’observance de la cacherout. Elle peut se transformer en un champ de bataille, puis se terminer par le refus de partager le repas avec sa famille, sa communauté, ses amis. Un exemple mémorable s’est déroulé en 1883. Le banquet offert par la Yeshiva libérale Hebrew Union College à l’occasion de l’obtention de la smicha de sa première promotion de rabbins libéraux américains est connu sous le nom de « trefa banquet », le banquet non casher. On aurait servi des crevettes, des cuisses de grenouilles et un dessert comportant du lait après un plat de viande… Depuis, les pratiques ont beaucoup évolué. Les pays anglo-saxons ont vu le nombre de végétariens voire de végétaliens parmi les juifs américains non-orthodoxes augmenter de manière significative, mettant ainsi un terme au problème de l’abattage et consommation de viande casher…Les questions autour de ce qui rend un aliment casher ont également évolué : et l’émergence de la notion de cacherout éthique ont vu le jour. Comment éviter la souffrance animale ? Quels sont les adjuvants et colorants utilisés pour la charcuterie casher ? Et de manière générale comment sont fabriqués ces aliments ? Quelles sont les conditions de travail des ouvriers ? Quel est le taux de déchets ? En France, où le judaïsme orthodoxe a mis en place des règles de plus en plus drastiques en termes de cacherout, savoir qui peut partager un repas avec nous et comment partager ce repas devient le centre de discussions animées et de crispations identitaires. Cela finit par rendre tout partage totalement impossible. En ce chabbat mondial, initié par le Shabbos Project et le grand rabbin d’Afrique du Sud Dr Warren Goldstein, de nombreuses synagogues françaises ont mis en place des activités autour de la préparation du repas et de l’accueil de l’autre à notre table, il est primordial de se poser ces questions. Entre ces deux extrêmes : le « trefa banquet » et la cacherout « haredi », nous juifs français respectueux d’une cacherout raisonnée et raisonnable, devons réfléchir à une voie médiane : en mettant en place des règles simples, celles du plus petit commun dénominateur, comme par ex. en proposant des repas végétariens. Cela nous permet d’ouvrir notre porte et d’accueillir tous ceux qui le souhaitent à notre table. Ainsi nous pourrons suivre le modèle éthique d’accueil de la Bible et être de la même pate qu’Abraham. Et qui sait, peut-être que nous partagerons nous aussi notre repas avec des anges ? Ken Yhie ratzon

נעשה לנו שם ‘faisons-nous un nom !’ (Genèse 11 :4)
Voilà l’objectif clairement énoncé d‘un groupe humain anonyme qui s’est donné pour projet pharaonique de construire la tour de Babel qui « gratte le ciel » .
Se faire une bonne renommée est l’objectif le plus louable selon nos sages, comme il est dit :
וכתר שם טוב עולה על גביהן (mAvot 4 :13)
« La couronne de la bonne renommée dépasse toutes les autres couronnes ». Mais est-ce le cas ici ?
J’ai été frappée par l’éclairage qu’apporte Franz Kafka dans une de ses nouvelles sur l’histoire de la tour de Babel lorsqu’il dit : « s’il avait été possible de construire la tour de Babel sans l’escalader, ce travail aurait été autorisé. »
A trois reprises il est dit dans la Genèse que l’homme a été créé à l’image de Dieu b’tzelem Elohim. Une première fois, au premier chapitre cela fait référence au premier récit de la création:
Genèse 1:26-27
(26) et Dieu dit: “Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Ils gouverneront les poissons de la mer et les oiseaux dans le ciel et le bétail sur toute la terre et tout ce qui rampe sur la terre ». (27)Et Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il les créa, mâle et femelle il les créa. |
בראשית א׳:כ״ו–כ״ז
(כו) וַיֹּ֣אמֶר אֱלֹהִ֔ים נַֽעֲשֶׂ֥ה אָדָ֛ם בְּצַלְמֵ֖נוּ כִּדְמוּתֵ֑נוּ וְיִרְדּוּ֩ בִדְגַ֨ת הַיָּ֜ם וּבְע֣וֹף הַשָּׁמַ֗יִם וּבַבְּהֵמָה֙ וּבְכָל־הָאָ֔רֶץ וּבְכָל־הָרֶ֖מֶשׂ הָֽרֹמֵ֥שׂ עַל־הָאָֽרֶץ׃ (כז) וַיִּבְרָ֨א אֱלֹהִ֤ים ׀ אֶת־הָֽאָדָם֙ בְּצַלְמ֔וֹ בְּצֶ֥לֶם אֱלֹהִ֖ים בָּרָ֣א אֹת֑וֹ זָכָ֥ר וּנְקֵבָ֖ה בָּרָ֥א אֹתָֽם׃ |
La deuxième fois, au chapitre 5 de la Genèse que nous lisons demain matin, il est dit qu’Adam a été créé b’dmut Elohim, selon la ressemblance de Dieu.
La troisième fois, dans le même chapitre, il est question du troisième fils d’Adam, le frère d’Abel et Caïn, né après le premier meurtre biblique, d’Abel par son frère Cain. Ce fils qui vient pour « réparer » l’acte commis par son frère, s’appelle Shet et il est dit qu’il est né ‘bidmuto k’tzlamo’ ‘dans sa ressemblance à son image’, de Dieu ou d’Adam, la question peut se poser ?
(3) Quand Adam eût vécu 130 ans, il engendra un fils dans sa ressemblance, à son image et il le nomma Shet. | (ג) וַֽיְחִ֣י אָדָ֗ם שְׁלֹשִׁ֤ים וּמְאַת֙ שָׁנָ֔ה וַיּ֥וֹלֶד בִּדְמוּת֖וֹ כְּצַלְמ֑וֹ וַיִּקְרָ֥א אֶת־שְׁמ֖וֹ שֵֽׁת׃ |
Deux termes sont utilisés pour nous parler de la création de l’homme à l’image de Dieu, tzelem : image et demut : ressemblance. Nous verrons si pour les commentateurs ils sont équivalents ou interchangeables.
L’homme créé betzelem elohim est une notion fondamentale, rentrée dans le langage courant du judaïsme, comme ‘betzelem’. C’est la boussole qui indique le Nord, c’est-à-dire nos comportements et attitudes éthiques. En nous rapprochant d’un idéal divin, nous nous rapprochons davantage de notre humanité.
Selon le rabbin David Kimhi (1160-1235, appelé aussi Radak), exégète de la Bible et philosophe médieval français, le terme demut fait référence à une ressemblance physique ou matérielle avec le reste de la création! Un être humain se compose par conséquent de ces deux ressemblances, physique aux êtres vivants et morale à la divinité.
Mais que veut dire pour l’homme d’avoir été créé à b’tzelem Elohim ?
Le Rabbin Haim Sabato[1], linguiste et sioniste religieux, récipiendaire de plusieurs prix prestigieux[2], liste 5 caractéristiques qui définissent l’homme créé b’tzelem Elohim :
1/il est capable d’exercer une domination sur la nature, ( mais avec le risque de l’épuiser et la détruire),
2/ il est doté d’inventivité et de créativité,
3/ il est libre et fait preuve de discernement,
4/ il fait preuve de libre arbitre,
5/ il est capable d’amour fraternel – Khessed et de solidarité envers son prochain.
Avoir été créé à l’image divine comporte des risques, celui notamment d’oublier sa place dans la Création et de pêcher par excès d’orgueil. Rashi dans son commentaire sur la première occurrence de Tzelem Elohim met en garde contre cette propension de l’homme à manquer d’humilité, et il lit dans le verbe v’irdu– ils descendront, une menace qui pèse sur lui, de dégringoler dans la chaîne de la création.
Une autre dérive est celle qui est pointée à la suite de la naissance de Shet, quand la Torah nous décrit les mariages contre-nature entre les dieux et les filles de l’homme. Cela rappelle les mythologies grecque et romaine, où les hommes et les dieux fricotent l’un avec l’autre et sont pris au piège d’intrigues inextricables, dont les conséquences sont souvent dramatiques. Ni les hommes ni les dieux ne sont à leur place. C’est contre ce mélange des genres que le récit biblique mythologique attire notre attention, qui permet d’engendrer les nefilim, traduit par certains commentateurs par ‘les déchus’, ces êtres qui plus tard feront peur aux explorateurs de Moïse.
Les révolutions vécues par l’humanité jusqu’à ce jour, n’ont jamais posé avec autant d’acuité la question de la place de l’homme dans l’univers.
L’économiste Daniel Cohen dans son dernier livre[3] nous parle des historiens du 20ème siècle qui misaient sur les bénéfices de l’utilisation de la machine ce qu’on a appelé la mécanisation du travail. Celle-ci allait soulager l’humanité des tâches subalternes et répétitives. L’homme ainsi libéré serait capable d’apporter une valeur ajoutée à son travail et prendre le relais des machines lorsqu’elles auraient atteint leurs limites.
La révolution que l’on vit aujourd’hui a dépassé de loin ces prévisions. Ainsi Yuval Noah Harari dans son dernier livre Homo Deus nous parle de l’immense opportunité que représente la combinaison de l’évolution des connaissances dans le domaine de l’intelligence artificielle, des biotechnologies, sans oublier l’utilisation des algorithmes. Mais cette révolution est potentiellement dangereuse et Yuval Harari nous met en garde contre ses dérives.
Il donne l’exemple du jeu de Go, des voitures électriques et même des diagnostics médicaux virtuels. L’intelligence artificielle est ainsi capable de résoudre des combinaisons de données bien plus complexes que l’homme. Les « machines » ont dépassé l’homme.
Un autre danger est la concentration entre les mains d’une petite élite de ce pouvoir que représente la maitrise des algortihmes. Il y a le risque qu’ils soient utilisé à mauvais escient.
L’homme est ainsi devenu un produit et ces apprentis sorciers ou homo deus sortes de demi-dieux, qui nous tiennent entre leurs mains ou plutôt entre leurs algorithmes.
Devant ces prévisions quelque peu sombres, comment pouvons-nous résister ou nous adapter ? Pour Yuval Harari il est primordial de se recentrer sur l’humain, sur la connaissance de soi, pour ne pas être pris au piège par la machine.
Ainsi, si on revient à notre paracha et la croyance d’avoir été créé ‘betzelem Elohim’ le chemin est peut-être de mieux utiliser nos capacités de discernement, de créativité, de libre-arbitre et renforcer le lien social.
Après s’être laissés happés par les promesses infinies de la ‘machine’, du virtuel et de l’intelligence artificielle, il s’agit de remettre ces outils à leur juste place afin de ne pas devenir nous-mêmes des produits au service d’hommes peu scrupuleux et les esclaves d’un nouveau culte.
Ken Yhie ratzon,
Chabbat shalom !
[1] https://www.929.org.il/page/5/post/122
[2] Sapir et Ytzhak Sade
[3] ‘Il faut dire que les temps ont changé’, Daniel Cohen, p.164.


מנהגים:…אין אשכנז דורך דש גנץ יאר…אמשטרדם, אורי ווייבש, (תכ »ב). חיתוכי העץ מתארים את מנהגי סוכות.
A votre avis qu’est-ce que représente ce dessin? C’est la question que se sont posés les documentalistes de la Bibliothèque Nationale d’Israël quand ils sont tombés sur un manuscrit hollandais datant de 1661, qui décrivait les us et coutumes de la communauté ashkénaze d’Amsterdam[1].
Ce dessin figurait en bonne place parmi d’autres dessins sur la fête de Souccot, mais cette photo représentant deux hommes portant un Loulav[2], l’un avec sa tête et l’autre sans, restait un mystère. En fait, dans le livre elle sert à illustrer la fête de Hochana Rabba, ou la grande Hochana, Hochana voulant dire « sauve nous ». C’est un jour solennel où on demande une dernière fois à Dieu de nous sauver. Hochana Rabba c’est le 7e et dernier jour de Souccot, la veille de Shemini Atzeret et Simhat Torah, fête quelque peu mystérieuse, mais fête à part entière. On peut se demander, pourquoi elle vient clôturer avec gravité, la fête si joyeuse de Souccot ? Est-ce tout simplement pour fermer le cycle commencé 40 jours plus tôt avec le jour du jugement de Roch Hachana ?
Son rituel comprend 7 hakafot, c’est-à-dire des processions autour du sefer Torah. On frappe aussi le sol avec des feuilles de saule tout en priant pour la pluie. Cette tradition, qui peut sembler un peu païenne, est à replacer dans le contexte de l’époque, où toutes les fêtes avaient un lien avec la nature. Et la vie de chacun dépendait de la qualité et quantité des récoltes de l’année. Alors que les dernières moissons venaient de se terminer (un des noms de Souccot est la fête des Moissons, Hag HaAssif), on priait pour que les champs soient abondamment arrosés pour disposer de nourriture en quantité suffisante pour l’année suivante. En ce dernier jour de Souccot retentit également la dernière sonnerie du Choffar, comme pour nous rappeler à l’ordre, au cas où nous aurions oublié qu’il subsiste une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Mais alors que vient faire cet homme sans tête sur notre dessin ? Selon les rabbins Hochana Rabba marque symboliquement, le scellement du jugement de Kippour. Comme un étudiant qui attend ses notes d’examen, on attend anxieusement la décision divine. Est-on inscrit ou non dans le livre de la vie ? Les deux hommes représentent le sort positif ou négatif réservé à chacun d’entre nous.

Parole, parole…la parole comme véhicule du pardon.
Vous êtes-vous déjà demandé comment l’on vit quand on a été élevé dans le mensonge ? le mensonge par rapport à sa propre histoire et celle de son pays ? Ce sont les questions qui me sont venues à l’esprit en entendant le discours d’Emmanuel Macron hier, et sa reconnaissance au nom du gouvernement français de l’assassinat de Maurice Audin. Ce mathématicien, communiste et militant acharné de l’indépendance de l’Algérie, avait été arrêté chez lui à Alger, le 11 juin 1957 devant sa femme et ses trois enfants, dont un bébé d’un mois. Sa femme et ses enfants ne le reverront jamais. L’histoire officielle jusqu’à récemment parlait de sa fuite lors de sa détention et d’une mort accidentelle. Sa veuve, s’est battue pendant 61 ans pour faire reconnaitre la vérité.
La reconnaissance hier par le président des français des actes de torture et d’assassinat commis par l’armée ou la police dans le cadre de la guerre d’Algérie est un pas historique.
Pour certains il est aussi important que le discours du Président Chirac au Vel d’hiv en 2005, reconnaissant la collaboration de Vichy dans l’assassinat d’environ 73000 juifs français pendant la deuxième guerre mondiale.
Quelle valeur a ce repentir 61 ans après ? Quel pouvoir ont ces mots du président ? Que peut-il réparer ?
Les premiers mots de la Torah parlent du pouvoir créateur des mots, c’est la parole qui aurait créé cet univers, c’est également elle qui peut le détruire.

La terre en cadeau
Savez-vous ce qu’est l’ « overview effect » ? C’est un concept qui a vu le jour il y a 30 ans attribué à Franck White qui a écrit un livre à ce sujet.
Cet effet a été ressenti par les premiers astronautes et cosmonautes qui en regardant de la lune notre planète bleue ont ressenti une immense émotion face à sa beauté, sa fragilité et son calme. Cela a transformé leur rapport à la terre… L’expression a été traduite en français par « l’effet de surplomb »,
Il y a deux ans, après de nombreuses années de recherche, et une collaboration fructueuse avec la Nasa, une nouvelle technologie a été mise au point par un physicien franco-israélien – Michaël Boccara et un mathématicien français – Jean Pierre Goux, tous deux anciens collègues d’école d’ingénieurs et amoureux de la Terre. Cette technologie permet à partir d’images collectées par un satellite de la Nasa, de créer un film où on voit la terre tourner sur elle-même. L’application Blue turn qu’ils ont lancée il y a un an et demi, c’est « l’overview effect » à la disposition de tous !
Mais pourquoi ce projet leur tenait tant à cœur ? Ces 2 amis, écologistes militants pensent qu’en alliant émotion et raison, il est possible de créer une prise de conscience et inciter un plus grand nombre de terriens à s’engager en faveur de la préservation de notre planète.

Vous avez surement tous entendu parler de cet épisode, un fait divers peu banal, concernant la pierre de quelques 100 kilos tombée au petit matin, le lendemain du 9 Av du Mur des Lamentations. Ce vieux mur de 2000 ans montrait donc des failles et où cela ? Juste au-dessus de l’esplanade de prière mixte utilisé par les libéraux et massortis du côté de l’arche de Robinson.
Certains, en l’occurrence l’adjoint au maire de Jérusalem Dov Kalmanovitch y ont vu un signe du courroux divin face à ces faux juifs, mécréants, c’est-à-dire nous ! Encore une fois…
D’autres ont répondu très justement, que si Dieu souhaitait nous faire signe et montrer sa désapprobation, il aurait pu choisir une heure plus tardive où justement, une de mes amies rabbins Valérie Stessin allait célébrer la bar mitsva d’un jeune de sa synagogue de Jérusalem. Arrivée très tôt sur les lieux, quelle ne fût pas sa surprise, et sa terreur. Elle a du trouver un autre emplacement pour la cérémonie…c’est d’ailleurs grâce à elle, que j’ai appris la nouvelle !
Le philosophe d’origine franco-marocaine, Ami Bouganim composa dans les jours qui suivirent un midrash à propos de cette chute.
Il imagina une convention de Sages, une sorte de Sanhédrin qui délibèrent sur ce qu’il convient de faire dans ce cas : faut-il mettre la pierre sous cloche et l’exposer au public ? Faut-il proférer des malédictions contre les libéraux ? Finalement les Sages se mettent à prier et disent même le kaddish sur cette pierre…Pierre qui selon le philosophe, incarne pour eux le verset : « car du mur la pierre crie et de la charpente le chevron répond »[1] ! Ce midrash qui mélange si bien réalité et absurde est plein d’humour, si vous souhaitez le lire en entier, voici le lien:
http://www.euromed.institute/post/chronique-de-jerusalem-la-larme-que-versa-le-mur-pour-protester-contre-les-prieres-melees
Quant à moi je me mis à imaginer un conseil des Pierres du Mur, des pierres qui parlent. Elles parlent et se plaignent, de qui ? De nous tous, qui nous affrontons autour de ce Mur… pour qui ? Pour quoi ? Pour des pierres plurimillénaires et plus fragiles qu’on ne le croit, qui risquent de nous tomber sur la figure. Ce mur qui devient objet de convoitise et de luttes fratricides, nous l’avons folklorisé à force de le sacraliser…bref nous l’avons bien abîmé et avons dénaturé sa fonction. Comment peut-il encore accueillir nos plaintes et nos prières ? Ce Mur pour lequel nous nous sommes tant languis et battus, ce Mur des Lamentations !
Pourquoi cette histoire de vieilles pierres ? Parce qu’elle illustre parfaitement le thème de notre paracha KI TAVO, où Moïse juste avant la traversée du Jourdain continue à sermonner son peuple. Il met le peuple en garde en déclinant une longue liste de bénédictions et malédictions qui pourraient s’abattre sur le peuple d’Israël s’il suit ou non les commandements. C’est cette théologie un peu naïve dite de la rétribution, qui a inspiré l’adjoint au maire de Jérusalem: la chute d’une pierre est le signe d’une punition divine !
Les pierres dans notre paracha ont une fonction spécifique, ou plutôt deux. D’une part il y a les pierres où sera gravée la Loi dans Deut 27 .
(2) Et quand vous serez arrivés au delà du Jourdain, dans le pays que l’Éternel ton Dieu t’accorde, tu érigeras pour toi de grandes pierres, que tu enduiras de chaux; et tu y écriras toutes les paroles de cette Torah après ta traversée, pour mériter d’entrer dans le pays que l’Éternel ton Dieu te destine, pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a promis le Seigneur, le Dieu de tes ancêtres. |
(ב) וְהָיָ֗ה בַּיּוֹם֮ אֲשֶׁ֣ר תַּעַבְר֣וּ אֶת־הַיַּרְדֵּן֒ אֶל־הָאָ֕רֶץ אֲשֶׁר־יְהוָ֥ה אֱלֹהֶ֖יךָ נֹתֵ֣ן לָ֑ךְ וַהֲקֵמֹתָ֤ לְךָ֙ אֲבָנִ֣ים גְּדֹל֔וֹת וְשַׂדְתָּ֥ אֹתָ֖ם בַּשִּֽׂיד׃ (ג) וְכָתַבְתָּ֣ עֲלֵיהֶ֗ן אֶֽת־כָּל־דִּבְרֵ֛י הַתּוֹרָ֥ה הַזֹּ֖את בְּעָבְרֶ֑ךָ לְמַ֡עַן אֲשֶׁר֩ תָּבֹ֨א אֶל־הָאָ֜רֶץ אֲֽשֶׁר־יְהוָ֥ה אֱלֹהֶ֣יךָ ׀ נֹתֵ֣ן לְךָ֗ אֶ֣רֶץ זָבַ֤ת חָלָב֙ וּדְבַ֔שׁ כַּאֲשֶׁ֥ר דִּבֶּ֛ר יְהוָ֥ה אֱלֹהֵֽי־אֲבֹתֶ֖יךָ לָֽךְ׃ |
Ainsi la Torah devra être gravée sur de la pierre enduite de chaux et érigée sur le mont Ebal pour être visible par tous. Imaginez la scène décrite dans notre paracha : d’un coté, 6 tribus proclament les bénédictions sur le Mont Gerizim et de l’autre, 6 leur font face en déclamant les malédictions sur le Mont Ebal.
Cette pierre enduite de chaux, véritable monument commémoratif sur lequel sont inscrits les commandements, s’appelle aussi une matzeva, écoutez comme cela sonne à l’oreille presque comme mitzva.
Cette pierre du souvenir ne devra surtout pas devenir une statue et nous faire trébucher vers l’idolâtrie, car voilà qu’on nous parle, au chapitre suivant, d’une deuxième sorte de pierres, celles de la malédiction !
(64) Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’une extrémité de la terre à l’autre; et là tu serviras des dieux étrangers, jadis inconnus à toi comme à tes pères, faits de bois et de pierre.
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(סד) וֶהֱפִֽיצְךָ֤ יְהוָה֙ בְּכָל־הָ֣עַמִּ֔ים מִקְצֵ֥ה הָאָ֖רֶץ וְעַד־קְצֵ֣ה הָאָ֑רֶץ וְעָבַ֨דְתָּ שָּׁ֜ם אֱלֹהִ֣ים אֲחֵרִ֗ים אֲשֶׁ֧ר לֹא־יָדַ֛עְתָּ אַתָּ֥ה וַאֲבֹתֶ֖יךָ עֵ֥ץ וָאָֽבֶן׃ |
Ce sentier que nous devons emprunter chaque jour, où l’on nous commande d’ériger un monument de pierre mais pas une statue, est un sentier très étroit.
La pierre devient ainsi une belle métaphore de notre libre arbitre, du choix qui nous est donné et de ce qu’elle va représenter pour nous : avec elle, nous avons la possibilité de construire ou détruire ce que Dieu nous a confié.
Et me vient une image de ces pierres si banales et considérées sans valeur, voire comme une calamité, celles du désert qui elles aussi peuvent être totalement transfigurées, et se transformer à force d’effort, en terres cultivables, en champs de fleurs. Ce fût le cas dans le Neguev. Ce n’était pas de la magie, mais la vision d’un homme : Ben Gourion et le travail acharné de beaucoup d’autres qui croyaient en son rêve…faire fleurir Israël dans le désert.
Il me semble que la chute de la pierre du Mur est arrivée à point nommé ce lendemain du 9 Av, cette pierre rebelle, qui Dieu soit loué n’a pas fait de victimes, est venue nous crier sa vérité. Nous avons encore et toujours à lutter contre la tentation d’enfermer Dieu dans la pierre et de rigidifier le judaïsme.
La Torah est un fluide, comparée tantôt à de l’eau tantôt à du lait ou encore du miel, qui nous nourrit où que l’on soit et quel que soit notre forme de pratique. Et notre terre promise est celle où nous laissons couler en nous ce lait et ce miel…
Shabbat shalom
[1] Habakuk 2 :1
KEHILAT GESHER – Shabbat Vayera, 26 Octobre 2018
de Daniela Touati
On 28 octobre 2018
dans Commentaires de la semaine
Le récit d’Abraham recevant la visite de 3 anges est le modèle de ce à quoi doit ressembler l’hospitalité selon la tradition juive. Abraham est l’archétype de l’hôte parfait. Non seulement parce qu’il offre un repas élaboré et ne lésine pas sur les moyens pour accueillir des visiteurs de passage, mais aussi parce qu’il le fait avec beaucoup de diligence. Les verbes courir et se dépêcher sont répétés à 4 reprises dans ce court passage : 18:2 : vayarotz ; 18 :6 : vaymaher, mahari ; 18 :7 ratz. Abraham, en pleine convalescence, se montre prévenant et empressé.
Ce qui est peut-être moins connu est que ce récit est le premier qui décrit en détail un repas de nos ancêtres et sa préparation. C’est une forme de plongée dans l’intimité culinaire de nos ancêtres.
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