Pirke Avot 5:16 : "Tout amour qui dépend de son objet, si l’objet disparaît, l’amour disparaît, Mais s’il ne dépend d’aucun objet, il ne cessera jamais."
Alors que nous célébrons le 6e jour de Hanoucca, qui est une fête de résistance à un pouvoir qui opprime ses minorités, perçues comme une menace pour le pouvoir, prenons le temps de réfléchir au sens profond de cette fête.
Notre bénédiction d’allumage des bougies dit : Bayamim hahem et bazman haze…en ce temps là et en ce temps-ci, ce qui nous a inspiré à l’époque continue à nous inspirer à présent.
Nous avons choisi de mettre ce chabbat sous le signe de la déclaration Universelle des Droits Humains, rédigée il y a 70 ans presque jour pour jour, elle a été publiée le 10 décembre 1948.
La déclaration Universelle nait du refus de voir recommencer les atrocités de la 2e guerre mondiale. Même si elle n’est pas contraignante pour les peuples signataires, elle est symbolique et d’elle découlera également la Cour Européenne des Droits de L’homme
René Cassin en était l’un des rédacteurs, représentant la France au sein de cette prestigieuse et indispensable initiative. Il faisait partie d’un comité composé de 8 personnes représentant la Chine, l’URSS, les Etats Unis, le Chili, la Grande Bretagne, la France, le Liban, l’Australie.
Je suis indigne de toutes les faveurs et de toute la fidélité que tu as témoignées à ton serviteur, moi qui, avec mon bâton, avais passé ce Jourdain et qui à présent suis devenu deux camps.
Sauve moi, de grâce, de la main de mon frère, de la main d’Ésaü ; car je crains qu’il ne m’attaque et ne me frappe, joignant la mère aux enfants!
Certains d’entre vous connaissent surement la musique composée et chantée par Yonatan Raziel[1] sur ces deux versets. En lisant ces deux versets de la paracha Vayishlach je les avais dans la tête.
C’est une très belle prière que Jacob adresse à Dieu alors qu’il est sur le point de rencontrer son frère Esaü. Frère qu’il n’a pas revu depuis plus de vingt ans. Depuis sa fuite de la maison paternelle. Conscient de la faute qu’il a commise, il en appelle à la protection divine car il craint la vengeance de son frère.
Selon Rashi Jacob reconnait qu’il est indigne de l’attention divine, qu’il est souillé et ne mérite plus ni la confiance que Dieu a placée en lui, ni les promesses qu’Il lui a faites. Vingt ans après il reste marqué par l’épisode du vol de la bénédiction paternelle, il ne s’est pas lavé de la faute du mensonge.
Au-delà de ces belles paroles, quelle est la réelle intention de Jacob ? Est-il enfin dans un processus de repentance ? Ou est-ce seulement sa peur qui s’exprime voire sa révérence envers son frère ? Selon certains commentateurs le verbe Yaréoto[2] au verset 12 ne signifie pas peur mais plutôt une forme d’admiration fraternelle. A cette prière en tout cas, Dieu ne répond pas.
Moshé ben Abraham ou Michel, permettez-moi de l’appeler notre patriarche était né le 1er mai 1928 à Varsovie. Lorsque la guerre éclate en 1939, il a 11 ans et son père a la bonne idée de mettre la famille à l’abri, d’abord à la campagne puis en Urss. Ils sont quatre frères et sœurs, Guénya, Michel le numéro deux, et deux bébés à l’époque, Irène et Charlie. Il passera toute la guerre en Russie et sera scolarisé normalement.
La fin de la guerre ne signifie pas la fin des pérégrinations, bien au contraire. Lorsqu’ils essaient de rentrer à Varsovie, ils découvrent au fur et à mesure, les champs de ruine laissés par la guerre et les horreurs de la Shoah. Ils évitent de peu d’être pris dans le pogrom de Kielce en 1946. A ce moment il n’est plus question de rester en Pologne.
Aidés par une organisation juive sioniste, ils entament un long et dangereux périple à travers l’Allemagne, l’Autriche, traversent les Alpes à pied jusqu’en Italie. Après une étape à Milan, il était prévu qu’ils partent en Palestine sous mandat britannique, mais la route leur est barrée. La famille s’établit finalement en France en 1947.
Michel sera élevé à l’école de la vie, il se fera une bande d’amis fidèles liés par les souvenirs de la période de la guerre et leur statut d’immigrés juifs, avec des histoires plein la tête qu’ils racontaient avec des accents à couper au couteau. Lorsqu’il rencontre sa femme, Berthe c’est le coup de foudre. Elle-même est d’origine polonaise et enfant cachée à Chamonix pendant la guerre. Ils auront une vie harmonieuse jusqu’à la maladie de Berthe et sa disparition prématurée à l’âge de 65 ans.
Grand séducteur, excellent vendeur allié à une femme très bonne gestionnaire, à partir de la fin des années 60, il réussit très bien dans la shmatologie, métier particulièrement répandu parmi les juifs d’Europe de l’Est. Mais il n’oublie pas ceux qui l’entourent, à qui il offre volontiers un petit coup de pouce financier et tout simplement sa confiance et son optimisme, pour se lancer à leur tour dans quelque affaire.
Il aura un fils unique avec Berthe, Jean Yves. Finalement, Jean Yves et sa femme Christine concrétiseront le rêve sioniste de la famille. Anciens de l’Hashomer Hatzair, ils feront leur alya avec leurs 2 enfants en 1992. S’en suivront pour Michel des allers retours fréquents en Israël, sa patrie de coeur.
En 2000, c’est à Haifa, sur le fauteuil du dentiste, où elle exercait comme assistante dentaire, qu’il rencontre Lucie. Cette rencontre quelque peu arrangée va leur permettre de vivre une belle histoire qui durera 17 ans. Deux bons vivants, que de belles fêtes nous aurons vécu grâce à eux sur le toit de l’appartement des Gratte Ciel !
Les premières fois sont des moments qui marquent chacun d’entre nous. Qui a oublié son premier tour à vélo, son premier jour de classe, ou sa première rencontre amoureuse ? Et pourtant je n’arrive pas à me souvenir de la première fois où j’ai croisé Michel, j’ai l’impression qu’il a toujours été là, qu’il a toujours fait partie de notre vie. C’est/c’était notre père et grand père bienveillant à tous, celui qui nous donnait envie d’avancer dans la vie et avait un regard si lucide sur les hommes et les évènements. Et surtout Michel-Moshé vivait lui-même chaque jour comme si c’était le premier, ou plutôt le dernier, émerveillé et curieux, rieur et loquace !
Il y aurait tant de choses à dire sur ce que Michel fabriquait avec ses dix doigts en or, rue du Bat d’Argent, puis quai Jean Moulin, rue Garibaldi et même ici rue Jules Vallès. Dans la bible on dit que les personnes habiles de leurs mains ont de la khokhmat lev : la sagesse du cœur. Aucun terme n’est mieux adapté à ce qu’était notre Michel.
On ne compte pas les innombrables heures passées à fabriquer des bancs quai Jean Moulin, réparer le sefer torah ou encore rénover le sol ou peindre les murs du local rue Garibaldi par exemple. C’est grâce à lui qu’on a eu une houppa et une soucca, lui qui se disait athée et éloigné de la religion, était le Shamesh – le gardien indéfectible de tous les lieux où la synagogue libérale a migré au fur et à mesure des années. Il était le meilleur juif que je n’ai jamais connu : un mensch, un vrai.
Il trouvait les mots pour chacun d’entre nous, des gestes anodins, plein de tendresse toujours juste. Le jour de la Bat Mitsva de Romane pétrifiée de trac, c’est lui qu’elle choisit pour lui donner du courage et qui doit lui faire face au premier rang !
Il y a avait Michel et les harengs, Michel et la vodka (j’avais toujours une bouteille au frais au cas où il viendrait nous rendre visite !), Michel et la chanson yiddish, Michel qui dansait avec son déambulateur il y a quinze jours à peine… et Michel et ses innombrables amis, comme en témoigne cette salle bien remplie!
Mais surtout Michel et ses petits-enfants qu’il couvait d’affection et dont il était fier comme un coq, sans parler de son arrière petite-fille Audrey, dont il avait eu la chance de voir les premiers pas dans la vie.
Ces derniers mois, il y avait les allers retours de la famille entre Israël et Lyon pour prendre soin de lui. De notre côté, nous avions créé un groupe whatsapp d’amis proches qui espérions ainsi le protéger comme on dit de toute maladie. On le croyait invincible et on voulait le garder encore longtemps ici parmi nous, car il y a des compagnies, ou plutôt des compagnons qui ne se quittent pas.
Brigitte, Catherine, Fred, Georges et Betty, Guy et Suzette, , Lucie, Patrick, et quelques autres, on était à l’affut de la moindre nouvelle, de la moindre chute qui n’annonçait rien de bon ! Et puis après un énième aller-retour entre l’hôpital et sa chambre à Bet Seva, il a soufflé entre deux assoupissements à Patrick : « je ne sais pas, on verra bien ». Cette lucidité des derniers instants…
Mais aujourd’hui, même si notre tristesse de l’avoir vu nous échapper est immense, nous pouvons et devons boire à sa santé, chanter et danser. Ce sera la meilleure façon de lui rendre hommage, à Michel, Moshé, le Mench qu’on a eu tant de chance de côtoyer !
Micah Goodman philosophe et professeur à l’université hébraïque de Jérusalem dit à propos du Tanakh, qu’il est important, non seulement, de tenter de comprendre ce que ce texte nous dit mais surtout ce qu’il nous fait, ce qu’il produit sur nous.
Et il est vrai que si on passe du temps avec ces textes, si on devient plus intime avec eux, ils produisent physiquement quelque chose sur nous. On se sent comme happés, et des émotions surgissent.
C’est probablement encore plus le cas lorsqu’on se plonge dans les récits de la Genèse et les imbroglios familiaux qui se déroulent sous nos yeux.
Cette semaine, le récit est particulièrement poignant. Celle où on lit l’histoire de cette fratrie dysfonctionnelle, celle d’Esav et Jacob. Ce n’est pas la première fratrie de ce type, il y en a beaucoup d’autres qui lui succèdent dans les pages du Tanakh.
Un verset m’a sauté aux yeux, dans Genèse 27 :34, וַיִּצְעַק צְעָקָה גְּדֹלָה וּמָרָה et ‘il poussa un cri immense et amer’.
Immédiatement une image est venue se surimposer : celle du cri de Munch. Ce tableau qui a connu cinq versions successives entre 1893 et 1917 a été inspiré par la nature et l’angoisse qu’elle a produit sur le peintre[1]. Mais comme toute œuvre d’art, elle a eu sa vie propre. Cette peinture est devenue probablement le symbole d’une génération de soldats, de poilus de la 1ère guerre mondiale, dont elle dépeint, sans le vouloir, le cri sans voix des horreurs de la guerre.
Pour moi, ce cri terrible comme un écho lointain, c’est celui qui est poussé par Esav lorsqu’il se retrouve dépossédé, non seulement de son droit d’ainesse, qu’il avait bien voulu céder à son frère jumeau, mais surtout de la bénédiction paternelle. C’est celui d’une douleur qui prend aux tripes face à cette injustice : un père incapable de bénir son fils sur son lit de mort.
Imaginez-vous vous-même dans cette scène, et toutes les émotions qui pourraient alors vous submerger : la stupeur, la colère, puis l’immense douleur. Quoi, moi le fils ou la fille aimé et aimant, je ne pourrais pas bénéficier de la bénédiction de mon père ? Je ne pourrai pas me séparer de lui en paix ?
Bien sur s’en suivent d’autres sentiments incontrôlables ; la jalousie, l’esprit de vengeance, et la violence. Un scénario qu’on a déjà vu, quelques chapitres auparavant, dans l’histoire de Cain et Abel. Et comme par hasard, c’est là que le verbe צעק apparaît pour la première fois dans la Torah. Et c’est Dieu qui le prononce :
‘la voix des sangs de ton frère crient vers Moi de la terre’, קוֹל דְּמֵי אָחִיךָ צֹעֲקִים אֵלַי מִן הָאֲדָמָה, (Gen. 4:10).
Il s’agit là du premier fratricide, lui aussi dû à la jalousie, et c’est Dieu qui en est l’objet, Dieu qui accepte favorablement le sacrifice de l’un – Abel, et pas de l’autre – Cain. Alors faute de trouver les mots, on assassine.
Et ce cycle de violence va se répéter à l’infini. Et pourquoi ces répétitions ? C’est là que chacun va interpréter chacune de ces bis-repetita selon ce qu’il projette lui-même dans l’histoire biblique.
Ici selon le midrash, Jacob qui est le plus direct ancêtre du peuple d’Israël n’apparait pas sous une lumière très favorable. Sa vie commence sous le signe de l’emprise, du subterfuge. Certes ce n’est pas lui qui décide, il se laisse manipuler par sa mère, qui veut accomplir la prophétie de la voix divine – L’ainé servira le cadet-. Cela n’est pas sans nous rappeler Joseph et un des premiers rêves qu’il interprète, source de la violence de ses frères.
Avec Jacob, on peut s’arrêter un instant sur le déguisement : il met une peau de bête sur lui, pour que son père, dont la vue est très déficiente, sente sous ses mains Esav-le poilu. Mais les rabbins reprochent surtout à Jacob d’avoir déguisé sa voix. Or la voix est l’empreinte de l’identité d’une personne, celle qui ne trompe pas, même lorsqu’on est face à des jumeaux. Le Talmud nous dit que voler la voix de quelqu’un s’apparente à l’idolâtrie – faute ultime par excellence.
A tel point que, selon le midrash, cette faute de Jacob serait la cause du décret de Haman, d’exterminer le peuple juif. Et un verset très similaire répond à celui de notre paracha, à une lettre près :
‘il poussa un cri immense et amer’– וַיִּזְעַק זְעָקָה גְדֹלָה וּמָרָה (Esther 4:1)
Là c’est Mordechaï qui pousse ce cri qui le projette sur le sol, il est effondré, prend les habits du deuil, et les déchire.
On passe tout près de la catastrophe, et les rabbins n’hésitent pas à parler de cause à effet : puisque Jacob a usé du subterfuge de la voix pour se faire passer pour Esav, afin de lui voler sa bénédiction, alors le peuple juif a risqué de disparaître des siècles plus tard, aux mains d’un terrible tyran.
Mais la Torah ne s’arrête pas là, et un autre cri m’a sauté à la figure en lisant notre paracha. Celui terrible des Egyptiens face au meurtre de leurs premiers nés, vous vous rappelez, de la dixième plaie d’Egypte n’est-ce pas ? A deux reprises l’expression צְעָקָה גְּדֹלָה: ce cri immense de douleur apparait dans nos textes à ce moment là[2]. Lorsque Moïse transmet la parole divine et prédit à son peuple ce qui va se passer et lorsque la plaie elle-même se propage.
Les questions que posent ces textes me semble-t-il sont : Comment sortir d’un destin prédestiné, des étiquettes qui sont posées sur nos visages, un peu comme la marque de Caïn ? Comment réellement se préoccuper de nos frères, qu’ils soient ceux de notre famille ou ceux au sens large de l’humanité ? Comment sortir de ce cycle de violence alors que nous commémorons ce chabbat deux évènements imbibés de violence : le centenaire de l’armistice qui marque la fin de la première guerre mondiale et le 80è anniversaire de la Kristallnacht qui marque symboliquement le début du plus grand génocide juif perpétré par l’humanité ?
Nous avons besoin de voix fortes, de voix prophétiques, qui sortent de ce cri primal. Des voix qui s’opposent dans le monde à toutes les paroles de haine et de violence qui se déversent impunément et sans filtres derrière des écrans comme en face à face. Nous ne pouvons plus rien laisser passer. Nous devons à la fois créer ces murs de résistance, et renforcer les ponts entre tous les hommes et femmes de bonne volonté. « O vous frères humains » disait Albert Cohen, oui faisons en sorte de redevenir de véritables frères humains…
A l’heure où j’écris ces lignes, on est le lendemain de l’attentat antisémite de Pittsburgh, le plus meurtrier commis sur le sol américain depuis que des juifs se sont réfugiés sur cette terre. 11 personnes qui priaient dans une synagogue Massorti à Chabbat ont été lâchement assassinées parce que juives et aussi parce qu’elles faisaient partie d’une synagogue qui avec l’aide de l’association HIAS[1], prenait soin des réfugiés sur le sol américain, comme aux 4 coins du monde. Elle s’occupait de leur trouver un refuge, des vêtements, de la nourriture. De quoi les réconforter. Je suis comme nous tous sous le choc et terriblement triste.
A chaque fois que survient un drame antisémite, on peut même parler ici de pogrom, se pose la même question : comment consoler, rassurer, expliquer à nos membres et surtout à nos enfants que ce qui vient de se produire reste exceptionnel, qu’ils sont en sécurité et qu’être juif, malgré tout, n’est pas une malédiction ?
Rabbi Floriane a enregistré plusieurs vidéos[2] au lendemain des attentats du Bataclan où elle répondait à des questions d’enfants du talmud torah, je vous invite à les écouter ou les réécouter, car ce sont des messages emplis de bon sens et de sagesse juive. Dans l’une d’entre elles, elle répondait à un enfant qui lui demandait si on avait le droit de se réjouir d’avoir échappé à un attentat ? La réponse est bien sur oui. On peut et doit se réjouir tout en gardant dans son cœur de la compassion pour ce qui arrive à notre prochain, même s’il n’est pas de notre famille, de notre religion et de notre pays, c’est le message profondément éthique du judaïsme.
Dans les premières heures et jours qui suivent un tel acte, des émotions contradictoires nous submergent : d’abord l’effroi, nous sommes tétanisés puis nous ressentons une énorme colère mais aussi de la tristesse. Ce sont les phases du deuil théorisées par la psychanalyste américaine Kubler Ross. En tant qu’adultes, nous avons malheureusement souvent déjà expérimenté ces phases. Elles sont toutefois extrêmement délicates et complexes, elles ne se déroulent pas obligatoirement dans cet ordre et le tourbillon de nos émotions reste imprévisible.
Dans le cas d’actes antisémites, elles peuvent raviver des plaies à vif liées à notre histoire familiale. Nos enfants ne sont pas équipés pour y répondre. Nous devons les entourer de notre amour et les rassurer.
Le récit d’Abraham recevant la visite de 3 anges est le modèle de ce à quoi doit ressembler l’hospitalité selon la tradition juive. Abraham est l’archétype de l’hôte parfait. Non seulement parce qu’il offre un repas élaboré et ne lésine pas sur les moyens pour accueillir des visiteurs de passage, mais aussi parce qu’il le fait avec beaucoup de diligence. Les verbes courir et se dépêcher sont répétés à 4 reprises dans ce court passage : 18:2 : vayarotz ; 18 :6 : vaymaher, mahari ; 18 :7 ratz. Abraham, en pleine convalescence, se montre prévenant et empressé.
Ce qui est peut-être moins connu est que ce récit est le premier qui décrit en détail un repas de nos ancêtres et sa préparation. C’est une forme de plongée dans l’intimité culinaire de nos ancêtres.
נעשה לנו שם ‘faisons-nous un nom !’ (Genèse 11 :4)
Voilà l’objectif clairement énoncé d‘un groupe humain anonyme qui s’est donné pour projet pharaonique de construire la tour de Babel qui « gratte le ciel » .
Se faire une bonne renommée est l’objectif le plus louable selon nos sages, comme il est dit :
וכתר שם טוב עולה על גביהן (mAvot 4 :13)
« La couronne de la bonne renommée dépasse toutes les autres couronnes ». Mais est-ce le cas ici ?
J’ai été frappée par l’éclairage qu’apporte Franz Kafka dans une de ses nouvelles sur l’histoire de la tour de Babel lorsqu’il dit : « s’il avait été possible de construire la tour de Babel sans l’escalader, ce travail aurait été autorisé. »
A trois reprises il est dit dans la Genèse que l’homme a été créé à l’image de Dieu b’tzelem Elohim. Une première fois, au premier chapitre cela fait référence au premier récit de la création:
Genèse 1:26-27
(26) et Dieu dit: “Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Ils gouverneront les poissons de la mer et les oiseaux dans le ciel et le bétail sur toute la terre et tout ce qui rampe sur la terre ». (27)Et Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il les créa, mâle et femelle il les créa.
La deuxième fois, au chapitre 5 de la Genèse que nous lisons demain matin, il est dit qu’Adam a été créé b’dmut Elohim, selon la ressemblance de Dieu.
La troisième fois, dans le même chapitre, il est question du troisième fils d’Adam, le frère d’Abel et Caïn, né après le premier meurtre biblique, d’Abel par son frère Cain. Ce fils qui vient pour « réparer » l’acte commis par son frère, s’appelle Shet et il est dit qu’il est né ‘bidmuto k’tzlamo’ ‘dans sa ressemblance à son image’, de Dieu ou d’Adam, la question peut se poser ?
(3) Quand Adam eût vécu 130 ans, il engendra un fils dans sa ressemblance, à son image et il le nomma Shet.
Deux termes sont utilisés pour nous parler de la création de l’homme à l’image de Dieu, tzelem : image et demut : ressemblance. Nous verrons si pour les commentateurs ils sont équivalents ou interchangeables.
L’homme créé betzelem elohim est une notion fondamentale, rentrée dans le langage courant du judaïsme, comme ‘betzelem’. C’est la boussole qui indique le Nord, c’est-à-dire nos comportements et attitudes éthiques. En nous rapprochant d’un idéal divin, nous nous rapprochons davantage de notre humanité.
Selon le rabbin David Kimhi (1160-1235, appelé aussi Radak), exégète de la Bible et philosophe médieval français, le terme demut fait référence à une ressemblance physique ou matérielle avec le reste de la création! Un être humain se compose par conséquent de ces deux ressemblances, physique aux êtres vivants et morale à la divinité.
Mais que veut dire pour l’homme d’avoir été créé à b’tzelem Elohim ?
Le Rabbin Haim Sabato[1], linguiste et sioniste religieux, récipiendaire de plusieurs prix prestigieux[2], liste 5 caractéristiques qui définissent l’homme créé b’tzelem Elohim :
1/il est capable d’exercer une domination sur la nature, ( mais avec le risque de l’épuiser et la détruire),
2/ il est doté d’inventivité et de créativité,
3/ il est libre et fait preuve de discernement,
4/ il fait preuve de libre arbitre,
5/ il est capable d’amour fraternel – Khessed et de solidarité envers son prochain.
Avoir été créé à l’image divine comporte des risques, celui notamment d’oublier sa place dans la Création et de pêcher par excès d’orgueil. Rashi dans son commentaire sur la première occurrence de Tzelem Elohim met en garde contre cette propension de l’homme à manquer d’humilité, et il lit dans le verbe v’irdu– ils descendront, une menace qui pèse sur lui, de dégringoler dans la chaîne de la création.
Une autre dérive est celle qui est pointée à la suite de la naissance de Shet, quand la Torah nous décrit les mariages contre-nature entre les dieux et les filles de l’homme. Cela rappelle les mythologies grecque et romaine, où les hommes et les dieux fricotent l’un avec l’autre et sont pris au piège d’intrigues inextricables, dont les conséquences sont souvent dramatiques. Ni les hommes ni les dieux ne sont à leur place. C’est contre ce mélange des genres que le récit biblique mythologique attire notre attention, qui permet d’engendrer les nefilim, traduit par certains commentateurs par ‘les déchus’, ces êtres qui plus tard feront peur aux explorateurs de Moïse.
Les révolutions vécues par l’humanité jusqu’à ce jour, n’ont jamais posé avec autant d’acuité la question de la place de l’homme dans l’univers.
L’économiste Daniel Cohen dans son dernier livre[3] nous parle des historiens du 20ème siècle qui misaient sur les bénéfices de l’utilisation de la machine ce qu’on a appelé la mécanisation du travail. Celle-ci allait soulager l’humanité des tâches subalternes et répétitives. L’homme ainsi libéré serait capable d’apporter une valeur ajoutée à son travail et prendre le relais des machines lorsqu’elles auraient atteint leurs limites.
La révolution que l’on vit aujourd’hui a dépassé de loin ces prévisions. Ainsi Yuval Noah Harari dans son dernier livre Homo Deus nous parle de l’immense opportunité que représente la combinaison de l’évolution des connaissances dans le domaine de l’intelligence artificielle, des biotechnologies, sans oublier l’utilisation des algorithmes. Mais cette révolution est potentiellement dangereuse et Yuval Harari nous met en garde contre ses dérives.
Il donne l’exemple du jeu de Go, des voitures électriques et même des diagnostics médicaux virtuels. L’intelligence artificielle est ainsi capable de résoudre des combinaisons de données bien plus complexes que l’homme. Les « machines » ont dépassé l’homme.
Un autre danger est la concentration entre les mains d’une petite élite de ce pouvoir que représente la maitrise des algortihmes. Il y a le risque qu’ils soient utilisé à mauvais escient.
L’homme est ainsi devenu un produit et ces apprentis sorciers ou homo deus sortes de demi-dieux, qui nous tiennent entre leurs mains ou plutôt entre leurs algorithmes.
Devant ces prévisions quelque peu sombres, comment pouvons-nous résister ou nous adapter ? Pour Yuval Harari il est primordial de se recentrer sur l’humain, sur la connaissance de soi, pour ne pas être pris au piège par la machine.
Ainsi, si on revient à notre paracha et la croyance d’avoir été créé ‘betzelemElohim’ le chemin est peut-être de mieux utiliser nos capacités de discernement, de créativité, de libre-arbitre et renforcer le lien social.
Après s’être laissés happés par les promesses infinies de la ‘machine’, du virtuel et de l’intelligence artificielle, il s’agit de remettre ces outils à leur juste place afin de ne pas devenir nous-mêmes des produits au service d’hommes peu scrupuleux et les esclaves d’un nouveau culte.
מנהגים:…אין אשכנז דורך דש גנץ יאר…אמשטרדם, אורי ווייבש, (תכ »ב). חיתוכי העץ מתארים את מנהגי סוכות.
A votre avis qu’est-ce que représente ce dessin? C’est la question que se sont posés les documentalistes de la Bibliothèque Nationale d’Israël quand ils sont tombés sur un manuscrit hollandais datant de 1661, qui décrivait les us et coutumes de la communauté ashkénaze d’Amsterdam[1].
Ce dessin figurait en bonne place parmi d’autres dessins sur la fête de Souccot, mais cette photo représentant deux hommes portant un Loulav[2], l’un avec sa tête et l’autre sans, restait un mystère. En fait, dans le livre elle sert à illustrer la fête de Hochana Rabba, ou la grande Hochana, Hochana voulant dire « sauve nous ». C’est un jour solennel où on demande une dernière fois à Dieu de nous sauver. Hochana Rabba c’est le 7e et dernier jour de Souccot, la veille de Shemini Atzeret et Simhat Torah, fête quelque peu mystérieuse, mais fête à part entière. On peut se demander, pourquoi elle vient clôturer avec gravité, la fête si joyeuse de Souccot ? Est-ce tout simplement pour fermer le cycle commencé 40 jours plus tôt avec le jour du jugement de Roch Hachana ?
Son rituel comprend 7 hakafot, c’est-à-dire des processions autour du sefer Torah. On frappe aussi le sol avec des feuilles de saule tout en priant pour la pluie. Cette tradition, qui peut sembler un peu païenne, est à replacer dans le contexte de l’époque, où toutes les fêtes avaient un lien avec la nature. Et la vie de chacun dépendait de la qualité et quantité des récoltes de l’année. Alors que les dernières moissons venaient de se terminer (un des noms de Souccot est la fête des Moissons, Hag HaAssif), on priait pour que les champs soient abondamment arrosés pour disposer de nourriture en quantité suffisante pour l’année suivante. En ce dernier jour de Souccot retentit également la dernière sonnerie du Choffar, comme pour nous rappeler à l’ordre, au cas où nous aurions oublié qu’il subsiste une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Mais alors que vient faire cet homme sans tête sur notre dessin ? Selon les rabbins Hochana Rabba marque symboliquement, le scellement du jugement de Kippour. Comme un étudiant qui attend ses notes d’examen, on attend anxieusement la décision divine. Est-on inscrit ou non dans le livre de la vie ? Les deux hommes représentent le sort positif ou négatif réservé à chacun d’entre nous.
Parole, parole…la parole comme véhicule du pardon.
Vous êtes-vous déjà demandé comment l’on vit quand on a été élevé dans le mensonge ? le mensonge par rapport à sa propre histoire et celle de son pays ? Ce sont les questions qui me sont venues à l’esprit en entendant le discours d’Emmanuel Macron hier, et sa reconnaissance au nom du gouvernement français de l’assassinat de Maurice Audin. Ce mathématicien, communiste et militant acharné de l’indépendance de l’Algérie, avait été arrêté chez lui à Alger, le 11 juin 1957 devant sa femme et ses trois enfants, dont un bébé d’un mois. Sa femme et ses enfants ne le reverront jamais. L’histoire officielle jusqu’à récemment parlait de sa fuite lors de sa détention et d’une mort accidentelle. Sa veuve, s’est battue pendant 61 ans pour faire reconnaitre la vérité.
La reconnaissance hier par le président des français des actes de torture et d’assassinat commis par l’armée ou la police dans le cadre de la guerre d’Algérie est un pas historique.
Pour certains il est aussi important que le discours du Président Chirac au Vel d’hiv en 2005, reconnaissant la collaboration de Vichy dans l’assassinat d’environ 73000 juifs français pendant la deuxième guerre mondiale.
Quelle valeur a ce repentir 61 ans après ? Quel pouvoir ont ces mots du président ? Que peut-il réparer ?
Les premiers mots de la Torah parlent du pouvoir créateur des mots, c’est la parole qui aurait créé cet univers, c’est également elle qui peut le détruire.
KEHILAT GESHER – 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme 6 décembre 2018, Shabbat Mikketz Hanoucca
de Daniela Touati
On 10 décembre 2018
dans Commentaires de la semaine
Alors que nous célébrons le 6e jour de Hanoucca, qui est une fête de résistance à un pouvoir qui opprime ses minorités, perçues comme une menace pour le pouvoir, prenons le temps de réfléchir au sens profond de cette fête.
Notre bénédiction d’allumage des bougies dit : Bayamim hahem et bazman haze…en ce temps là et en ce temps-ci, ce qui nous a inspiré à l’époque continue à nous inspirer à présent.
Nous avons choisi de mettre ce chabbat sous le signe de la déclaration Universelle des Droits Humains, rédigée il y a 70 ans presque jour pour jour, elle a été publiée le 10 décembre 1948.
La déclaration Universelle nait du refus de voir recommencer les atrocités de la 2e guerre mondiale. Même si elle n’est pas contraignante pour les peuples signataires, elle est symbolique et d’elle découlera également la Cour Européenne des Droits de L’homme
René Cassin en était l’un des rédacteurs, représentant la France au sein de cette prestigieuse et indispensable initiative. Il faisait partie d’un comité composé de 8 personnes représentant la Chine, l’URSS, les Etats Unis, le Chili, la Grande Bretagne, la France, le Liban, l’Australie.
Mais qui est René Cassin ?
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